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Gilles Gélébart, Décembre 2000
Israël-Palestine :
un Etat au-dessus des lois
face à une population civile privée
d'Etat.
L'Histoire du juif diasporé se résume par ces mots : haine, antisémitisme, persécutions.
Les cinquante dernières années du peuple palestinien relèvent d'une sémantique analogue.
La révolte arabe - réprimée par des israéliens
ne faisant pas cas des enfants : Sarah, 6 mois, abattue par un colon ; Mohammed,
9 ans, tué d'une balle dans le dos alors qu'il se réfugiait chez lui ; Samir,
12 ans, fauché par une rafale de mitrailleuse tirée d'un hélicoptère ; Mohammed
et Waêl, tués par un tireur d'élite... - n'est que le résultat voulu et logique
des frustrations palestiniennes.
Les droits les plus élémentaires des palestiniens sont en effet constamment
bafoués par Israël. Ainsi, le " bouclage " restreint voire supprime leur liberté
de circulation ainsi que leur droit à l'éducation et au travail. Dans le meilleur
des cas, les travailleurs de Gaza quittent leur domicile à 3 heures pour travailler
à 7 heures et doivent être rentrés avant 19 heures. M. Dudin, directeur d'hôpital
à Jérusalem-est, raconte : " je mets deux heures après avoir laissé ma voiture
au poste de contrôle, pour franchir les 13 km qui me séparent de l'hôpital.
J'ai subi 1300 contrôles et 13 fois l'épreuve du déshabillage ". Des femmes
sont dévêtues devant leurs enfants, pour recherche d'armes. Les humiliations,
harcèlements et tortures sont le quotidien palestinien.
Je n'évoquerai ni le rationnement, ni les punitions collectives, ni le tunnel
construit sous la Mosquée Al Aqsa... ni bien d'autres choses : ce serait trop
long.
Ces quelques exemples suffisent à faire bouillir de colère tout être humain
digne de l'épithète, je suis pourtant loin d'avoir tout dit. Le lecteur avide
d'exhaustivité saura mieux l'atrocité en visitant le site, objectif et indépendant
: www.fidh.org/rapports/r234.htm.
On comprend mieux, dès lors, la rancoeur des rues de Palestine. Rancoeur d'ailleurs
recherchée car faisant partie de la stratégie de judéisation de Jérusalem, considération
qui fait fortement présumer la responsabilité de l'occupant israélien dans ce
conflit.
Aux sceptiques qui doutent encore de l'existence de cette
stratégie, j'impose le silence par ces chiffres : en 1967, plus de 85 % des
terres de Jérusalem-est appartenaient à des Palestiniens ; depuis, à coups de
spoliations, d'expropriations et de colonisations, Israël a acquis le contrôle
de plus de 87% des terres. Dans le cadre de cette volonté de main-mise sur la
ville, l'Etat hébreu contrôle déjà les entrées, le pourtour et les contreforts
de l'esplanade des Mosquées, où des archéologues juifs effectuent des fouilles
à leur guise. Les israéliens sont encore assez gourmands pour revendiquer leur
souveraineté sur la mosquée Al Aqsa ainsi que sur les quartiers arménien, chrétien
et musulman de la vieille ville !
Cette politique, injuste et meurtrière, est au surplus suicidaire. D'une part,
elle ravive l'antisémitisme et contribue à l'isolement diplomatique d'Israël.
D'autre part, elle donne l'occasion aux Arabes désunis de lutter contre un ennemi
fédérateur. Enfin, alors qu'il suffirait d'abandonner - en toute justice et
conformément à l'esprit des accords d'Oslo - Jérusalem-est aux Palestiniens,
l'Etat hébreu a déjà renoncé à la paix pour faire de la ville Sainte une ville
juive.
Recevant Netanyahou - c'est-à-dire Barak sans les détours - à Paris, le représentant français du Likoud avait déclaré que les seules frontières que devait reconnaître Israël sont celles fixées, non par l'ONU, mais par Dieu ! Hmm...Lequel ? Allah ? Dieu tracerait-il-des frontières désormais ? Délivre-t-il aussi des laisser-passer pour des palestiniens qui ne méritent guère mieux que leur sort canin ?
Le droit divin n'est que l'instrument de la tyrannie,
une ignoble utilisation de la religion et de son pouvoir fédérateur et fanatisant.
Il n'existe pas. La Bible, le Coran et la Torah nous enseignent avant tout le
respect de l'être humain ; quand les croyants monothéistes l'auront compris...
Dans quel but Israël provoque-t-il la colère palestinienne ? C'est en effet
sur l'autorisation du gouvernement Barak qu'Ariel Sharon le conquérant - appelé
à intégrer le gouvernement d'urgence...- s'est rendu sur l'esplanade des Mosquées
pour déclencher une révolte en revendiquant la souveraineté d'Israël sur ce
haut lieu de l'Islam. Ehoud Barak a donc recherché la violence qui a logiquement
suivi. C'est d'ailleurs là un excellent prétexte à la réoccupation des Territoires.
En suscitant ainsi la violence palestinienne, Israël
affaiblit Arafat au profit du Hamas et pourra donc, après quelques attentats,
réoccuper toute la Cisjordanie, pour raisons de sécurité bien-sûr... L'Etat
israélien semble donc avoir stratégiquement provoqué ce conflit, via Ariel Sharon,
dans le cadre de sa politique du fait accompli de la judéisation de Jérusalem.
Tsahal prend peu de risques : la victoire militaire est acquise, des morts sont
cependant à déplorer, bien moins nombreuses que celles de palestiniens jetant
des pierres au désespoir. Pointe d'ironie : les soldats israéliens consciemment
envoyés au suicide et morts à la défense de ce temple du racisme qu'est le tombeau
de Joseph - abandonné par le judaïsme - étaient Druzes (c'est-à-dire Arabes)
!
Alors pourquoi la communauté internationale se contente-t-elle d'appeler à la
paix, sans conviction ? D'abord parce qu'il n'est pas d'homme politique européen
assez loin de préoccupations électoralistes ni assez courageux pour enfin se
tenir debout face à une injustice pourtant flagrante : il n'y a personne, ne
serait-ce que pour dénoncer le responsable des affrontements actuels. Quant
aux américains...
Ensuite, parce que les israéliens utilisent habilement
le bouclier moral de l'Holocauste : toute victime juive d'un attentat est récupérée
pour symboliser la perpétuation du martyre hébreu. De la sorte, toute critique,
y compris celle-ci, est a priori suspectée d'antisémitisme, ce qui permet à
Israël d'opprimer et de tuer à son tour, impunément. Le tyran d'aujourd'hui
opère dans l'ombre du nazi d'il y a cinquante ans : Israël recherche l'hypermnésie
protectrice de la Shoah, dont le spectre avorte les critiques pouvant lui être
adressées.
Il n'est guère étonnant que le seul allié d'Israël soit les Etats-Unis, un pays
sûr de son droit lui aussi. Un pays qui a infligé, ou inflige encore, aux vietnamiens
et aux irakiens, aux noirs et aux indiens, des monstruosités comparables à celles
subies par les juifs durant la Shoah car, n'en déplaise aux autruches, pour
ne jamais tomber dans l'oubli, le macabre doit être mesuré.
Si l'Etat hébreu est né voilà 53 ans puis a chassé les
palestiniens installés séculairement dans la région, pourquoi ceux-ci ne prétendraient-ils
pas à la reconnaissance d'un Etat souverain ? Pourquoi les accords d'Oslo qualifient-ils
Israël de " puissance occupante " ? N'est-il pas temps que les palestiniens
aient d'autres alternatives qu'un combat inégal ou une paix israélienne ? Pourquoi
la Knesset est-elle le seul Parlement du monde à avoir soutenu l'action russe
en Tchétchénie ? Peut-on violer les résolutions de l'ONU, la Convention de Genève,
les accords d'Oslo, donner le nom de " colonisation " à sa politique étrangère
tout en se prétendant Etat de droit ?
Cependant, il est nécessaire de comprendre la peur d'un peuple qui lutte " dos
à la mer " et de le rassurer afin qu'il puisse faire les concessions attendues
sur les questions des Territoires occupés, de Jérusalem-est et de l'Etat palestinien.
L'extrémisme juif et l'intégrisme musulman se renforcent l'un l'autre. Pour
rompre cette dynamique, il serait juste et logique qu'Israël renonce à ses appétits
meurtriers et respecte enfin les lois internationales et les droits de l'Homme.
Tant que l'Etat hébreu piétinera le Droit,
les palestiniens les plus enragés ne devront être considérés que comme des résistants.
" Dans l'opprimé d'hier, l'oppresseur de demain ".
(Victor Hugo)