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Alain Madelin, juste après son coup médiatique aux 20 Heures : une candidature pour 2002... )
David Kersan, Décembre 2000
Portrait d'Alain Madelin, fondateur d'Occident, groupuscule fasciste, et enquête sur les dirigeants de Démocratie Libérale, son parti au sein de l'UDF
Alain
Madelin vient d'annoncer sa candidature pour 2002. Il poursuit, palier
par palier, une carrière programmée.
Alain Madelin est né le 26 mars 1946 à Paris. En 1963, il est à la Fédération des étudiants nationalistes où il est responsable de l’action militante. Il sera blessé à l’entrée du Lycée Turgot dans une bagarre entre lycéens communistes et membres de la FEN. De 1964 à 1968, Il fonde et anime le célèbre mouvement fasciste activiste Occident. Il sera membre du commando d’Occident qui attaqua le 12 janvier 1967 des Ètudiants de gauche à Mont Saint-Aignan : cette attaque fera un blessé grave. Il quitte Occident juste avant mai 1968 pour rallier deux ans plus tard Albertini à Est-Ouest. Il est directeur de publication du journal anti-socialiste Spécial Banlieue lors de la campagne présidentielle de 1974. Ce journal financé par le patronat est créé par la société Service dirigée par cinq anciens d’Ordre Nouveau dont G.Penciolelli. Madelin rallie les Républicains Indépendants, devient l’adjoint d’H.Bassot, puis secrétaire national, avant d’être élu député en 1978 à 1997, ministre en 1986 et 1995. Il est membre, comme M.Thatcher, du Mont-Pèlerin, association néolibérale adepte des théories de Milton Friedman. Alain Madelin, ancien dirigeant du groupuscule fasciste Occident, joue un rôle moteur dans la phase de recomposition de la droite. En acceptant Jacques Blanc - président du conseil régional Languedoc-Roussillon, élu avec les voix du FN - au sein du groupe Démocratie libérale à l'Assemblée nationale, Madelin commençait-il enfin à retrouver sa pente naturelle ? Fondamentalement convaincu que la droite ne pourra redevenir majoritaire qu'en allant rechercher un électorat parti au FN, il se refuse à ce qu'il appelle "l'ostracisation" des quatre présidents de régions. Pour lui, comme pour une partie de la droite classique, la perspective de pouvoir s'appuyer sur l'extrême droite pour obtenir la victoire électorale n'est plus considérée comme un tabou. La tentation italienne... Partisan d'un débat avec le FN (Paris Match, 11 décembre 1997), Alain Madelin considère que son objectif est de garder un lien avec l'électorat frontiste, tirant les leçons de l'échec "de la méthode Léotard dans le Var" où la droite se retrouve derrière le FN et la gauche (analyse reprise par Jacques Blanc dans la revue LIMES n°6, été 1998). Par cette attitude, il se coupe du courant humaniste/libéral représenté entre autres par Gilles de Robien. S'opposant à "l'utilisation contre le FN des qualificatifs de raciste, d'antisémite et de xénophobie", Madelin apparaît comme un des possibles artisans de l'intégration du FN à la droite, en partie ou en totalité : "un pôle des libertés" (Berlusconi-Fini) à la française. En diabolisant le FN, on le durcit et on en fait un objet à part qui devient dangereux pour la vie politique. "Une faute majeure" selon Jacques Blanc, pour qui "la diabolisation du FN fait monter le FN". La solution semble donc être d'intégrer le FN et, pour la droite classique, d'essayer ainsi de le contrôler. Jeu dangereux qui dans les faits accentue la crédibilité du discours frontiste et la "lepénisation" des esprits. Bruno Mégret ne s'y est pas trompé. Dans La Croix du 6 octobre 1996, il lançait un appel à la "droite conservatrice et antiétatique qui a vocation à s'entendre avec la droite nationale". Si le patron de Démocratie libérale avait à l'époque récusé toute alliance, il s'était déclaré intéressé par le modèle italien et le berlusconisme. Il a suivi attentivement les débats au sein de la droite italienne, en particulier dans la revue Ideazione ("Idées-Action" : variante française d'Alain Madelin). Ainsi, Madelin poursuit sa stratégie. Entre les deux tours des dernières cantonales, Madelin a choisi l'option "silence-radio". Cependant, si le patron se tait, la garde rapprochée s'active : Serge Didier a ainsi tenté de convaincre Marc Censi d'accepter les voix du FN ; Gilbert Stellardo, adjoint RPR de Peyrat (ex-FN) à la mairie de Nice et responsable d'Idées-Action dans les Alpes Maritimes a annoncé son éphémère candidature à la direction de la région PACA pour tenter de bénéficier des suffrages frontistes. Oui, lecteur, Alain Madelin, depuis 1996, s'est efforcé de multiplier les signes à l'intention des électeurs frontistes. En juillet, il réclame un durcissement des lois Pasqua. En 1997, il défend l'idée d'un référendum sur le code de la nationalité et l'immigration. En mai 1997, il se déclare attentif à la "France du FN qui veut qu'on la respecte, qui souffre du chômage, qui souvent travaille dur et entreprend". Cherchant à éviter un clash définitif avec le FN, Madelin refuse de condamner les propos de Le Pen tenus à l'université d'été frontiste, sur "l'inégalité des races". Considérant dans le Figaro du 6 octobre 1996 que "chacun qualifie M. Le Pen ou lui répond à sa manière", il ne peut s'empêcher d'ajouter : "il est vrai qu'il y a des différences entre les races. Il est vrai que personne ne sait ce qu'est une race". Un outil : Idées-Action. Fondé en 1994, le cercle Idées-Action permet à Madelin de piocher dans toutes les familles de la droite, exception faite des démocrates-chrétiens de François Bayrou. C'est ainsi que l'ancien Duce du groupuscule fasciste Troisième Voie, Jean-Gilles Malliarakis, y côtoie Alain Juppé, Thierry Jean-Pierre et bien d'autres... L'espoir de Madelin est de créer des réseaux dépassant largement le cadre trop étroit de l'UDF. C'est ainsi que plusieurs membres du RPR apparaissent dans l'organigramme d'Idées-Action (Thierry Mariani, Renaud Muselier). En septembre 1996, Madelin participe à une réunion publique avec Charles Pasqua. Beaucoup de tenants de la droite dure, habitués des colloques du Club de l'Horloge et du Club 89 sont présents : Alain Griotteray, favorable à "une alliance des droites françaises", Jean-Marc Varaut (monarchiste et avocat de Papon). Certains membres du Club de l'Horloge dirigé par Henri de Lesquen (favorable à une union droite-FN) sont des proches d'Alain Madelin (Michel Leroy, Yves Montenay, Gérard Bramoullé). Madelin est-il un homme de droite extrême ? La question se pose-t-elle encore ? D'autres réseaux sont présents à Idées-Action, en particulier celui des ultra-libéraux. Certains amis de Madelin sont membres de l'ALEPS (Association pour la liberté économique et le progrès social) et adeptes du système tatchérien, des thèses de Milton Friedman et des "Chicago-boys". Des adhérents d'Idées-Action sont également signataires du Manifeste libéral dans lequel ils rendent un vibrant hommage au capitalisme, à "la liberté d'entreprendre, d'embaucher et d'employer sans contrainte" et ils dénoncent les "comportements irresponsables au nom des acquis"... Un troisième réseau apparaît : ils se composent des "orphelins de la Croix celtique". Ceux que Roland Gaucher (ancien collabo et ex-membre du FN) appelait les "mal-lavés" de l'extrême droite, les anciens d'Occident (dirigé par Longuet et Madelin) et du Parti des Forces nouvelles (PFN- parti de droite extrême). La liste du comité directeur d'Idées-Action est dans ce domaine très explicite. Les microcosmes politiques semblent dévoiler leur zone d'attaque sur l'échiquier ; un visage se dessine, le Roi est en péril... Si Madelin a confié à un ex (Novelli) les relations avec Millon, Pasqua n'est pas en reste : Alain Robert (ex d'Occident, Ordre Nouveau -ancien front national-, GUD -groupe étudiant d'extrême droite-, PFN -parti de droite extrême-, CNI -parti de droite extrême -, actuellement au RPR), qui pantoufle au Conseil économique et social, joue le même rôle pour le compte de "Demain la France" (présidée par William Abitbol, ex d'Ordre nouveau). Fermez le ban : le dessin prend forme. Convaincu, comme d'autres (Soissons, Vasseur, Peyrefitte, Mancel, Griotteray, Poniatowski) que la droite ne pourra revenir aux affaires qu'en racolant l'électorat frontiste, Madelin ne peut cependant pas assumer jusqu'au bout sa logique sans froisser le RPR et faire sombrer l'Alliance, véritable radeau de la Méduse de la droite. Il est donc obligé de rester, au milieu des tranchées. Mais le positionnement de Madelin n'arrange en rien les affaires de l'Alliance. Le RPR entend bien lui rappeler son opposition à tout rapprochement avec le FN. Quant à l'UDF, une de ses composantes, le Parti populaire pour la démocratie française est formé d'anciens du PR dont certains défendent un rapprochement avec l'extrême droite... Oui, lecteur, la politique n'est rien que cela : ego, comédies et stratégies. Bruno Mégret, dans Le Parisien du 24 août 1998, souhaite même que "Mr. Madelin reconnaisse publiquement qu'on peut s'entendre avec le FN". Allons, Madelin... et les convictions ? Au comité directeur d'Idées-Action, il nomme Serge Didier : ex militant solidariste, MJR avec Jean-Pierre Stirbois et Bernard Antony, puis membre du GAJ (Groupe Action jeunesse, droite extrême) et du GRECE, nouvelle droite extrême. Et le chemin n'en finit pas de s'assombrir : amené en 1981 au PR par Madelin, ancien député de Haute-Garonne et chargé au sein de la Droite de Charles Millon des relations avec les entreprises : Jean-Jacques Guillet. Cet homme est un ex d'Occident, proche de Pasqua, Hervé Le Pouriel, ex du PFN-droite extrême-, proche de Pasqua, Anne Méaux, ex d'Ordre nouveau-droite extrême-, ex du PFN-droite extrême-, ex-présidente du GUD Assas-droite extrême étudiante-, ex-attaché de presse de Giscard et membre du BP du Parti républicain. Hervé Novelli, ex-Occident-droite extrême-, ex d'ON-droite extrême-, ex du PFN-droite extrême-, ex-député d'Indre-et-Loire, ayant bénéficié du soutien du FN aux dernières législatives. Tout ce milieu des extrême assure pour le compte de Madelin les contacts avec La Droite de Millon et Jean-François Santacroce : un ex de PFN, droite extrême, ex du GUD Assas, droite étudiante extrême, responsable d'Idées-Action de Paris. Pour l'avoir rencontré personnellement, j'appuierais cette argumentaire en vous confessant mes sensations lors de notre conversation : cet homme ne vous écoute pas. Feint-il en permanence ? Tente-t-il encore de faire illusion ? Cet acteur né joue son rôle, avec un certain raffinement, mais avec un tel aplomb qu'après avoir passé une soirée à l'écouter, vous comprenez. Vous comprenez l'imposture intellectuelle de l'idéologie qu'il anime, où de ce qu'il affiche comme tel, saisissez la logique qui systématise ses attitudes, mesurez les automatismes relationnels qui stigmatisent le discours de celui qui marche, le pouvoir au poing. Madelin parle haut et fort, affiche ses plus beaux sourires sur Paris- Match, cumule les apparitions médiatiques "col roulé" en camouflant ses misères par un totalitarisme idéologique, économique, une "révolution libérale" qui n'a de sens que le vertige de son néant. A l'annonce de sa candidature, il évoque sa maturité : " J'ai toujours compris la modernité avant beaucoup d'autres, j'ai compris la France, la vieille France, la France moderne... Auparavant, mes amis me disait que j'étais trop en avance sur le pays... la France n'était pas prête. Aujourd'hui, elle l'est". Autant de milieux, de "bonnes fréquentations" qui l'amène aujourd'hui à se présenter aux éléctions présidentielles de 2002. Autant de raisons qui le pousseront à croire en ses chances, autant de raisons qui pousseront ce stratège acharné vers la dernière instance du théatre du mensonge, depuis la démission du Général : la Présidence de la République. Oui, lecteur, Madelin est habitué au pouvoir comme à la viande saignante. Il croit effrontément à la popularité de son "intensité capitalistique", qui exploitera l'homme toujours plus scandaleusement, facilitera le licenciement toujours plus précisément, et qui nous mènera inéluctablement vers l'abîme. Aujourd'hui, cette "intensité capitalistique" propulse trois cents cinquante personnes à posséder, à elles seules, plus que les revenus de la moitié de la population mondiale.
David Kersan
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