Dordge, Décembre 2000

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12 août 2000 : Mer de Barens

Manoeuvres de la flotte russe du Nord : un SSGN s'échoue par 100 m de fond

Cause du naufrage : inexpliqué

Sauvetage de l'équipage (118 hommes) : échec

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Le Koursk : le prix à payer de la défaîte soviétique dans la course aux armements ?

Lorsque le Koursk a coulé, la situation officielle était la suivante : Deux navires sur zone, un incident puis 118 morts. Ces morts l'ont été de deux manières :

Dans une première hypothèse, deux sous-marins sont entrés en collision et le second n'a pas pu venir en aide au Koursk. Dans le minutage de cet incident, il n'est nul part fait mention d'un quelconque message des sous-marins se trouvant sur zone plus ou moins proche (Les " USS Memphis " SSN 691 et " USS Toledo " SSN 769 de classe " Los Angeles " américains et le " HMS Splendid " S 106 anglais. On peut ajouter à cette liste le bâtiment de surface américain " USNS Loyal " AGOS 22.)

Dans la seconde hypothèse, la Russie était en train de tester un nouveau type de missile lorsque ce dernier a explosé, provoquant le naufrage du navire.

Si l'on revient sur le contexte de cette crise, il faut noter que ce naufrage intervient au beau milieu des tractations et des tensions américano-chino-russes sur le déploiement de l'écran anti-missiles américain (National Missile Defense, NMD). La Russie, la Chine mais aussi l'Iran ont vivement protesté tout l'été contre le déploiement d'un pareil écran qui serait considéré comme une provocation. La réponse américaine fut confuse, compte tenu des incertitudes sur la fiabilité des appareils utilisés. En effet, il était apparu que la NMD pouvait stopper des attaques de missiles de " mauvaise qualité " tels que des Scud irakiens ou coréens dans la limite d'une centaine. Mais, contre une attaque de missiles balistiques évolués, précis et puissants, la NMD serait inefficace. La modernité des missiles que la NMD ne pourrait stopper tient à la fois à leur système de guidage et à leur mode de propulsion : Il faudrait que ces missiles n'utilisent pas le GPS (Positionnement Par Satellite) car il s'agit d'un système américain. Ces missiles devraient aussi être puissants et tirés de sites non répertoriés tels que les sous-mains. De tels missiles devraient alors recevoir une propulsion liquide qui augmente la puissance du missile mais qui est difficilement maîtrisable car instable.

Or, une analyse de la zone et du nombre d'explosion sur le Koursk permet de mettre en évidence deux choses :

Premièrement, la première explosion a eu lieu en surface dans la zone avant du sous-marin, celle qui contient les trappes de lancement des missiles.

Deuxièmement, la seconde explosion a eu lieu sous la mer. Ces deux explosions ont été mesurées par les sismologues norvégiens : l'estimation sur l'échelle de Richter fait état de deux fortes détonations de 1.5 et 3.5 soit entre une et deux tonnes de TNT. La seconde détonation pourrait correspondre à l'explosion des torpilles lorsque le sous-marin a touché le fond. La première détonation ne peut donc correspondre à une simple " collision ".

Troisièmement, de source militaire russe, des fragments de coque (étranger ou russe ?!) ont été retrouvés sur le lieu et à 300 mètres de l'épave du Koursk. Cette distance paraît très importante pour une collision.

Enfin, les corps remontés seraient morts pour la plupart par noyade, mais aussi sur le coup, par la force de l'explosion. Ce dernier élément ainsi que les mesures des sismologues semblent permettre d'exclure la thèse de la rencontre avec un autre navire ou une mine voire même un attentat tchétchène.

Dans le contexte de l'éventualité du déploiement de la NMD, la Russie se devait, comme au " bon vieux temps de la guerre froide ", de fournir autre chose que des vociférations publiques, pour faire comprendre aux américains qu'elle riposterait à une telle reprise de la course aux armements. L'hypothèse de la réponse militaire russe au NMD est donc à envisager.

Ainsi, il apparaît que le Koursk, navire récent, était le plus à même de tester de nouveaux missiles russes capables de passer à travers la NMD : Le Koursk (K 141) (Oscar II pour l'OTAN) est un sous-marin à propulsion nucléaire (deux réacteurs refroidis à eau) lanceur de missiles (SSGN) actif depuis 1995. Il peut déplacer plus de 14 000 tonnes en surface et 18 000 en plongée, à 30 noeuds. Avec ses 154 m de long, ses 24 missiles de croisière d'une portée de 500 km et ses 36 torpilles, c'est un des fleurons de l'armée russe.

Si l'on pose l'hypothèse de travail que le second sous-marin n'est ni américain ni anglais mais russe, les deux sous-mains russes pouvaient se trouver ainsi côte à côte pour augmenter le niveau de sécurité des essais ou pour avoir une double sécurité et un double enregistrement des données du tir du nouveau missile russe. Le second sous-marins portait même, peut être, le nouveau missile, ce qui expliquerait qu'il ait pris la fuite. Selon cette idée, le retard dans l'arrivée des secours sur place serait le temps nécessaire au " nettoyage " des traces des missiles testés.

Les 118 morts du Koursk ne sont sûrement pas décédés par la faute de la vieillesse de la marine russe mais par l'incompétence désormais avérée des militaire russes. Ces derniers ont passé les dix dernières années à effectuer le même raisonnement : La Russie n'est plus capable de rivaliser avec les USA dans la course aux armements. La meilleure utilisation des armes ainsi accumulées est donc de vendre ces armements pour aider la patrie (officiellement) et s'enrichir personnellement.

Le constat pourrait être banal s'il n'était pas éclairé sous un angle plus alarmiste : L'ex-URSS avait aidé la Chine à se doter de l'arme nucléaire. La rupture idéologique et militaire entre soviétiques et chinois n'a pas empêché la Chine d'acquérir des technologies de pointe dans le domaine nucléaire. Ainsi, dès 1969, selon des documents déclassifiés de la CIA, la Chine et le Pakistan ont débuté leur collaboration dans le domaine nucléaire qui a abouti aux récents essais pakistanais sur la base du lanceur Ghauri dont on peut très vivement soupçonner l'appartenance à la famille du M-11 chinois (version amélioré du Scud B), missile de moins de 300 km de portée, capable d'emporter, au choix, une ogive de 500 kg conventionnelle ou 350 kg en nucléaire… et de technologie russe.

Ainsi, depuis plus de dix ans, la Russie vend ses armes conventionnelles ou nucléaires aux pays asiatiques ou arabes. La Chine, l'Inde, le Pakistan et bientôt la Corée, la Libye ou l'Iran pourraient ainsi profiter des largesses de la Russie pour pouvoir prétendre à l'arme nucléaire.

Or, le nucléaire et les armes tactiques et balistiques sont d'un maniement et d'un apprentissage long et périlleux. Lorsque la Russie vend ses armes, elle ne regarde que son intérêt financier et non les ruptures des équilibres régionaux qu'elle peut engendrer.

Un autre exemple frappant est celui de la vente de quatre sous-marins russes aux chinois à partir de 1991. Deux sont en panne et les deux autres sont vraisemblablement immobilisés pour cause de défaut de pièces de rechange. Si la Chine décidait, demain, de les mettre à l'eau pour aller envahir Taiwan et si ces sous-marins subissaient le même sort que le Koursk, nous nous situerions en mer de Chine donc loin des bases et des moyens américains anglais ou norvégiens. Or, la mer de Chine est traversée tous les jours par les plus gros tankers du monde. Que ce soit donc, sur avarie ou sur collision, un incident type Koursk en mer de Chine serait une catastrophe pour les pays voisins, particulièrement si les risques nucléaires ne sont pas maîtrisés.

Or, si les russes, qui ont un armement suffisant pour faire face, ou illusion, testent une nouvelle arme, que sont en train de faire les autres opposants au NMD que sont l'Iran, la Chine et la Libye ? Compte tenu des dangers des armes utilisables contre la NMD, ces pays seraient-ils capables de les manier ?

Dordge

LA LETTRE DU KOURSK

(cliquez ci-dessus)

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