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Gilles Gélébart, janvier 2001
Ecologie et mondialisme :
questions de vie ou
de mort
La conférence de La Haye sur l'effet de serre (novembre) a traité d'enjeux vitaux :
le trou dans la couche d'ozone au-dessus du pôle Sud a atteint une superficie égale à trois fois celle des Etats-Unis. Le capitalisme exploite ou affame des centaines de millions de personnes par an dans le monde.
L'Humanité devra bientôt se doter d'une
nouvelle cosmogonie, imprégnée d'écologie : question de vie ou de mort. En effet,
un stade critique de détérioration de la biosphère a été dépassé : effet de
serre, surpêche, O.G.M, combustion de la forêt amazonienne, raréfaction des
sources d'eau potable, etc.
Un jour, il faudra bien cesser d'adopter des " mesurettes " pour enfin
vivre sans polluer ni détruire. Un tel changement aura des conséquences extrêmement
profondes sur notre façon de produire et de consommer l'énergie, de nous déplacer,
de travailler. De ces changements économiques naîtront des bouleversements sociaux
et culturels. Une Révolution anticapitaliste approfondira ensuite ce mouvement,
trouvant ainsi sa source dans la nature. C'est l'enjeu de sa survie qui contraindra
l'Homme à changer d'économie et de société, ne serait-ce que pour sauver son
environnement et ainsi se sauver lui-même : la Terre n'est pas une infinie poubelle
sans fond.
Ainsi, par nécessité vitale, une nouvelle conception des rapports qu'entretient
l'espèce humaine avec son environnement verra sans doute le jour, basée sur
des principes empreints de respect et de tempérance : nous ne devrons plus pêcher,
brûler ou déboiser plus que de besoin.
Or, la cosmogonie a toujours justifié une organisation éco-sociale. Le darwinisme
et la survie du plus fort ont ainsi légitimé et humanisé le capitalisme en lui
permettant d'être présenté comme le simple prolongement social des principes
de Dame Nature. Quel hérétique oserait contester un système perçu - consciemment
ou non - comme naturel par l'aveugle majorité ?
Creusons : quel type de société cette nouvelle cosmogonie pourrait-elle légitimer
?
Une société exigeant une production mesurée, une consommation plus sage, donc
moins fondée sur les inégalités et les stratégies de création d'une apparence
d'ascension sociale, mises en oeuvre dans la consommation de certains biens
et nées de l'ostentation des plus riches ou de la volonté de maintien d'ordres
social et mondial établis.
Une société plus solidaire du fait d'un bouleversement dans nos modes de locomotion,
impliquant une généralisation maximale du transport en commun : il s'agit là
d'un élément forcément positif, à ne pas sous-estimer.
Surtout, une société mondiale : le mondialisme cessera d'être tenu pour une
utopie défendue par une poignée d'humanistes illuminés pour devenir une réalité
politique : la globalisation de la démocratie succédera à celle du capitalisme
dans le cadre d'un Etat fédéral planétaire, car l'écologie - bientôt question
de suprême importance - est le problème à traiter mondialement par excellence.
De nombreux éléments nous inclinent à penser que la société écologique post-capitaliste
sera mondialiste. Observons que la rébellion anticapitaliste devra être mondiale.
Cette situation rappelle les difficultés rencontrées par la taxe TOBIN, amorce
de mondialisme fiscal : on conçoit mal qu'un Etat abandonne seul le capitalisme
alors qu'il s'est exporté aux quatre coins du globe dans des imbrications nodales
liant les Etats les uns aux autres. A maladie mondiale, remède mondial.
STOP ! Récapitulons : la Révolution, nécessairement mondiale, trouvera ses racines
dans la nature, l'émergence du mondialisme étant par ailleurs favorisée par
l'apparition d'une conscience et de préoccupations écologiques planétaires.
Tout est lié et inscrit dans un enchaînement logique de causes et de conséquences
: l'écologie facilitera grandement la révolte des harassés en lui donnant une
impulsion, toutes les deux jetteront alors les bases du mondialisme politique
en lui offrant un cadre. L'ordre chronologique des choses pourrait être différent
: le mondialisme sera peut-être le moteur de la Révolution et non l'inverse...
Peu importe, le sauvetage de la planète, la Révolution et le mondialisme sont
inextricablement liés et, puisqu'il en va de notre survie, ils adviendront.
Revenons à nos moutons clonés : quels sont les éléments permettant d'escompter
l'avènement du mondialisme ?
En premier lieu, la diffusion depuis un demi-siècle d'une culture de masse est
une amorce de mondialisation culturelle à même de nous faire franchir plus aisément
les barrières linguistiques existant entre les peuples, d'ailleurs franchies
quotidiennement par des Etats polyglottes (Suisse, Belgique...).
En second lieu, la nation n'est plus la forme privilégiée du lien social. Elle
est tiraillée entre la décentralisation, la construction européenne, la mondialisation
économique et le réveil des revendications autonomistes : c'est la fin du premier
anti-mondialisme.
Ensuite, la mondialisation des problèmes et celle du capitalisme créent aujourd'hui
les liens qui permettront de fonder le mondialisme : en mettant en concurrence
hommes et Etats sur un marché planétaire, le capitalisme est source d'injustices
mais, ce faisant, il crée une communauté mondiale de rêves et de lutte.
La mondialisation des problèmes est un phénomène récent dont l'existence est
attestée par la multiplication des sommets traitant de questions mondiales :
le Caire sur la démographie (1994), Istanbul sur les grandes villes (1996),
La Haye sur l'effet de serre (2000), etc. Une prise de conscience de la globalité
et de l'interdépendance de nos problèmes prend forme actuellement, nécessairement
en ce qui concerne la biosphère.
Enfin, la progression continue d'Internet consolide chaque jour cette prise
de conscience et crée une noosphère en permettant l'échange entre les peuples
de leur A.D.N. social.
La toile offre en outre de nouvelles possibilités logistiques d'organisation
d'une contestation d'envergure, comme en témoignent les rassemblements de Seattle
et Millau.
Parallèlement, le web peut considérablement accélérer l'avènement d'une Révolution
: son entrée dans les pays en développement permettra aux exploités de mesurer
l'injustice qui les maintient dans l'exploitation ainsi que d'informer les peuples
nantis de leurs dures réalités, avec leurs mots et leurs images. Peut-être serons-nous
alors touchés par tant d'inhumanité et partagerons nos richesses via, par exemple,
l'annulation de la dette du tiers-monde, sous conditions d'élections et de progrès
démocratique ? Après des siècles d'esclavage et d'oppression, grâce auxquels
nos Etats se sont enrichis, n'est-ce pas là une dette historique envers eux
? Une dette actuelle également puisque nous sommes les seuls bénéficiaires du
capitalisme. Si ce partage n'a pas lieu sur notre initiative, il se fera par
la force : n'oublions pas que lorsque nous parlons des " opprimés ",
nous visons 75% de la population mondiale, dont la colère ne saurait être contenue
encore longtemps (révolte contre les fermiers blancs au Zimbabwe).
C'est ce faisceau d'éléments - auquel s'ajoutera la nécessité écologique - qui
est à même de fonder le mondialisme.
Voir en la nature un facteur de changement éco-social n'est que pure logique
car un sous-système n'a pas vocation à réguler les systèmes qui l'englobent
: le marché ne doit plus imposer ses règles à la société ni à la nature. Bien
au contraire, les rapports d'influence doivent être inversés et le seront par
la force des choses, conformément à la logique.
D'aucuns, en entendant ce discours, afficheront un cynique sourire en coin et
me taxeront d'utopiste, comme d'habitude. Croire que le capitalisme est viable
à long terme, que la Terre est infiniment polluable, s'accrocher aux derniers
restes de nations dépassées... là est l'utopie, là est la lâcheté, là est le
crime, qui sera jugé un jour.
Oser un monde meilleur ne relève pas de l'utopie : ce combat n'est qu'une réalité
future à la réalisation effective de laquelle il ne manque que le courage...
... qui viendra avec l'excès, triomphant de toutes les peurs.