David Kersan, avril 2001

Le procès phare du tueur en série de l'EST Parisien ouvre une crevasse sans la refermer :

comment naît et se gère l'excès du mal ?

Le tueur en série de l’Est parisien a été arrêté à Paris, le jeudi 26 mars 1997. Il est condamné en 2001 par la Cour d'Assises de Paris à la peine maximale prévue par la législation française, soit à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine spéciale de 22 ans, incompressible.


Pourquoi L'Idéaliste en parle ?


Parce que dans les milieux politiques de la contestation, ce genre d’affaire ne suscite souvent aucun intérêt. Il y a comme une sorte de permanence à vouloir ne pas s’y intéresser - surtout lorsqu’elle semble sortir des schémas habituels d’investigation sociale et politique - et l’on préfère laisser à d’autres le soin de le faire.

L’argument le plus souvent entendu est que les crimes commis par des individus, et exploités par les médias, servent souvent à en masquer d’autres, ceux commis par " les dominants ". Est-ce une raison pour ne pas s’y intéresser autrement ? Et l’inverse n’est-il pas vrai ? Les crimes perpétrés par les dominants doivent-ils occulter ceux commis par des individus au sein de la société ?


L’échelle de Richter du crime


On a vu, dans les années 70, les maoïstes français tomber dans la plus misérable campagne en s’intéressant à un fait divers, celui de Bruay-en-Artois. Le présumé coupable n’était pas un prolétaire mais un notable bourgeois, la victime si. Et parce qu’il était bourgeois, le présumé innocent est devenu un coupable idéal. Seulement voilà, il n’était pas coupable... Inversement, un criminel prolétaire égorgeant et violant une bourgeoise aurait-il trouvé grâce à leurs yeux, incarnant une sorte d’activiste de la lutte des classes ?
L’analyse de classe trouve ses limites quand elle se substitue à la justice en matière de droit des individus. Le risque étant de faire un droit partial, non pas au delà de la justice bourgeoise, mais en deçà.
L’extrême gauche évite, depuis, de faire des commentaires sur ce type de sujet, car ses grilles d’analyses n’ont pas de cases prévues pour cela. Le mieux pour elle est donc de ne plus en parler.

Ce fait divers venait nous rappeler qu’autour de nous, parmi nous, au sein de nos sociétés embryonnaires préfigurant le germe d’un autre futur, nous pouvions retrouver des criminels. Comment pourrions-nous gérer cette situation, si l’on ne s’y intéresse pas avant ?

Une autre raison mise en avant pour ne pas s’y intéresser est de dire que cela a toujours existé, que c’est une loi statistique. Loi des grands nombres qui ignore la trajectoire du criminel. Un individu est-il, au nom de cette loi, né criminel, tueur né ?
Guy Georges, comme tout le monde, avait une société dans laquelle il était admis comme sujet et puis, dans l’autre, la société globale, il a tué, violé, massacré. Il n’a pas tué ni violé au sein du milieu qu’il fréquentait. Est-ce parce qu’il s’y sentait suffisamment contenu socialement (liens sociaux, capacité d’avoir une compagne) ? Sur une île, avec des liens sociaux, aurait-il, bien que traumatisé, tué ou pas ? Ou bien la qualité des liens l’en aurait-il préservé ?
Peut-on le considérer, lui aussi, comme une victime ?

Tueur, on le devient sur la base d’un traumatisme fondamental, d'une secousse centrale.

Apprendre à fantasmer ses pulsions les plus meurtrières fait partie de notre apprentissage à vivre avec l’autre. Pour la plupart d’entre nous, ces pulsions inconscientes restent des fantasmes et notre structure psychique trouve toujours des dérivés à ce type de pulsions. Pour d’autres, cela ne marche pas car la structuration psychique s’est mal opérée dans les premières relations de la vie. Dès lors, il s’avère souvent que la frustration ne peut se gérer. La seule résolution de la pulsion est sa traduction directe en acte. Après, c’est le soulagement, annonce la psychiatrie moderne.

La criminologie et les sciences et techniques rationnelles qu'elle utilise tendent à construire, tant bien que mal, une explication logique - pathologique - du comportement monstrueux. C'est rassurant pour l'esprit. Un tel est devenu assassin parce que tel événement, survenu au cours de son enfance par exemple, a déréglé ou faussé sa mécanique vitale. La nôtre tourne rond, dormons en paix.

La seconde raison qui amène L'Idéaliste à en parler est qu'il semblerait que le tueur ne devienne intéressant que lorsqu’il devient "en série".

Les avocats médiatiques se battent alors pour assurer sa défense... Mais où est la victime en tant que sujet, en tant qu’unique, face à un tel traitement ?
De Stendhal à Dostoïevski et de Gide à Mauriac, les affaires criminelles ont fasciné les romanciers. Le crime et la sainteté sont les deux portes qui donnent accès aux régions les plus extrêmes de l'âme, à ses territoires les plus mystérieux. Il y a une vérité de l'homme et de ses mesures qu'on ne saurait atteindre sans s'aventurer dans ces zones abominables ou merveilleuses.

Que fut donc ce procès ?

Un gouffre du mensonge, un torrent de viscères, un océan de l'anéantissement, un marais de l'inquiétude, un rapport clé sur l'humain.

PROCES

Le 26 mars 1997, Guy Georges est arrêté à la sortie d'un métro à Paris, quelques heures apès qu'une radio est annoncée que la police connaissait le nom de l'auteur des sept meurtres et viols commis sur des jeunes filles de 1991 à 1996.
Pour beaucoup cela a été un soulagement, pour d’autres une désagréable et incroyable surprise. En effet, Guy Georges, dit " Jo ", ne vivait pas seul.
A l’automne 1993, des squats s’ouvraient et il a débarqué. Ce n’était pas à proprement parler un militant, mais il cohabitait de façon sympathique. De son long passé carcéral, Jo disait qu’il était lié à un " braquage avec fusillade "...

Première semaine du procès - 14h00, Cour d'Assises de Paris.


Début du Procès Guy George. Je rentre par la porte des journalistes, bavardant avec une jeune avocate, je remarque la tension dans la salle, un silence rompu par des voix crispées.
La Cour arrive, tout le monde se lève et tourne son regard sur la porte qui sera traversée dans quelques secondes par "celui qui a donné des leçons à l'Enfer", comme le clamera l'Avocat Général à la conclusion du procès.
A l'écoute du "faîtes rentrer l'accusé" du Président, le silence est assourdissant, tout le monde attend de sentir l'odeur de l'air quand le diable est dans la salle, saisir l'atmosphère du mal.

Guy George entre, visage serein, première surprise, et s'assoit rapidement, jettant furtivement des regards dans la salle, regards vides, intensément vides. Cheveux courts, légèrement dégarni, Vêtu d'un sweat-shirt vert et d'un pantalon de survêtement, il a pris place dans le box, entouré de trois gendarmes, face à trois bancs occupés par les parents des sept victimes, deux des quatre survivantes et une dizaine d'avocats.
"Le tueur de l'Est parisien", a nié devant la cour d'assises de Paris la série de crimes qui lui sont reprochés et a tenté de convaincre sa mère adoptive de son innocence. "Je voudrais dire que je n'ai rien à voir avec les faits qui me sont reprochés",

Guy Georges s'est livré à un dialogue insolite avec sa mère adoptive, Jeanne Morin, venue témoigner. Celle-ci, très émue, a déclaré à la Cour: "Comment peut-il m'appeler encore maman avec des mains pleines de sang ?". Guy Georges s'est alors levé et a dit : "Tu sais, je t'aime maman". "Moi aussi, mais mon coeur se vide, avec toutes ces familles à qui tu as fait tant de mal", lui a répondu Jeanne Morin. Gyu George est tendu, baisse furtivement les yeux et reprend : "Je suis accusé mais pas encore condamné!"

Agé de 38 ans, Guy Georges avait provoqué une psychose dans la capitale avant son arrestation, le 26 mars 1998. Présenté comme un "psychopathe très dangeureux" et quasi-incurable par les experts, il a initialement avoué tous les assassinats devant le juge d'instruction Gilbert Thiel, ainsi qu'une des quatre agressions. Ses empreintes génétiques ont été relevées sur plusieurs victimes. Le tueur présumé, visage glabre et traits fins, s'est laissé photographier et filmer par les équipes de télévision. L'air décontracté, il a évité les regards des parties civiles mais a souri à plusieurs reprises en parlant avec son avocat, qui lui demandait de le regarder, à quoi il répond : "je sais... je vous regarde... mais c'est dur".

Il n'a pas réagi quand le président de la Cour, Yves Jacob, a annoncé que sa mère naturelle, Hélène Rampillon, qui l'a abandonné à sa naissance, ne viendrait pas témoigner car elle aurait des problèmes de santé. "Elle n'a jamais été là", a dit son avocat Alex Ursulet. Recueilli par Jeanne Morin - qui a élevé au total onze orphelins ou enfants abandonnés dans sa maison d'un village du Maine-et-Loire - il a été chassé de ce foyer adoptif après une adolescence marquée par les agressions très violentes de deux de ses soeurs de lait. "C'était un bon gamin, j'adorais Guy. Ce que j'aurais voulu en faire, c'était un officier de marine. Petit, il ne s'est jamais battu avec ses frères et soeurs, je voulais qu'il soit ma fierté", a raconté Jeanne Morin. Guy George murmure un son de douleur intense à l'écoute de cette "fierté", et fait la grimace de celui qui vient de prendre un coup de couteau.
A t il été abusé ? maltraité par cette mère ? Non, abandonné par ses parents géniteurs certes, mais rien que de l'ordinaire. Suit, qu'à 17 ans, il a manqué d'étrangler sa première soeur, une handicapée, et a frappé si violemment la seconde qu'elle a dû être hospitalisée pour une hémorragie, a raconté Jeanne Morin. L'accusé a reconnu à la barre ces deux agressions. "Je voulais jouer, j'ai pas voulu leur faire mal", a-t-il dit dit cependant. Placé en foyer, l'accusé était entré petit à petit ensuite dans la marginalité, agressant à nouveau deux femmes pendant l'adolescence, ce qui lui vaudra d'être incarcéré à deux reprises dans l'Ouest, avant qu'il ne gagne Paris au début des années 80. "Pourquoi n'agressez-vous que des femmes ?", lui a demandé le président Yves Jacob. Après un long silence, l'accusé a répondu : "Si je vous dis que j'ai agressé des hommes, vous n'allez pas me croire".
Puis il a dit dans un souffle: "Je ne peux pas vous dire". "Pourquoi vous avez à chaque fois recommencé" ? lui lance Maître chabert, des parties civiles. "Je ne sais pas" rétorque Guy Georges, découvrant le premier lapsus, et annoncant une suite "d'égarements" freudiens jusqu'à l'ultime lapsus, qui lui sera fatal, et marquera véritablement la rupture centrale du procès.

L'ancienne patronne de la brigade criminelle, Martine Monteil, a admis devant la cour d'assises de Paris que Guy Georges aurait pu être arrêté plus tôt, même si elle a logiquement défendu l'enquête de son service.
"Si, en 1995, il y a avait eu un fichier des empreintes génétiques, il aurait peut-être été mis fin avant à ses agissements", a expliqué l'ancienne patronne de la "Crim".
L'arrestation de Guy Georges avait conduit les autorités à décider, en 1998, la création d'un fichier informatique regroupant les cartes d'identité génétiques des criminels sexuels.
Revenant sur ses aveux, le tueur en série présumé Guy Georges a nié mercredi devant la cour d'assises de Paris avoir tué en 1991 Pascale Escarfail, le premier des sept assassinats dont il est accusé.
Affirmant avoir été brutalisé par les policiers lors de son interrogatoire, il a tenté de convaincre la cour que ses aveux lui avaient été dictés par la police.
"Ma garde à vue n'était pas catholique", a-t-il dit au troisième jour de son procès.
Le président et les parties civiles ont remarqué que le récit fait aux policiers au lendemain de son arrestation, le 27 mars 1998, avait été réitéré en présence d'avocats devant deux juges d'instruction, puis n'avait jamais été retiré par la suite.
Selon le récit fait aux policiers et lu à l'audience, le 24 janvier 1991 au soir, Guy Georges, qui vivait alors d'expédients à Paris, avait aperçu dans la rue Pascale Escarfail, 19 ans, étudiante en lettres, alors qu'il était à la terrasse d'un café.
"J'ai flashé dessus immédiatement... Dès le départ, j'avais l'intention de la tuer sans trop vraiment savoir pourquoi", disait Guy Georges dans sa déposition. Il précisait avoir emporté avec lui du sparadrap dans le but de commettre une agression.
Il avait suivi la jeune femme, s'était introduit dans son immeuble derrière elle, avant de la dépasser dans les escaliers et de l'attendre devant la porte de son logement.
"Qu'est-ce que tu veux ?", lui avait-elle demandé, toujours selon ce récit. "Toi", avait répondu Guy Georges avant de la forcer à ouvrir sa porte sous la menace d'un couteau. Toujours sous la menace de cette arme, il avait ensuite violé Pascale Escarfail à plusieurs reprises.
Alors qu'il fouillait le logement à la recherche d'objets de valeur, Pascale, dont les mains étaient entravées, lui avait donné un coup de pied, ce qui aurait poussé le jeune homme à lui porter plusieurs coups de couteau à la gorge.
"Qu'est-ce que tu fais, tu me tues ?", avait dit Pascale Escarfail alors qu'elle agonisait, selon le récit de Guy Georges. "Elle a mis trois ou quatre minutes à mourir", racontait-il. Les spécialistes parleront plus tard "d'une heure d'agonie"... Il précisait être allé ensuite boire une bière dans la cuisine, puis être ensuite rentré à son hôtel.

Le président de la cour a précisé que ces déclarations avaient été confirmées avec quelques variantes devant le juge d'instruction Martine Bernard, le 27 mars 1998, puis devant le juge d'instruction Gilbert Thiel le 28 mai 1998.
Tout juste Guy Georges était-il alors revenu sur la partie de ses déclarations qui accréditait l'idée d'une préméditation, expliquant par exemple qu'il n'avait pas emporté de sparadrap. "Il m'est arrivé d'être quelque part un peu fier qu'on parle de moi dans les journaux", disait-il.
"Je ne savais plus où j'étais"

Lors de ses derniers interrogatoires en 1999, Guy Georges avait refusé de s'exprimer devant le juge Thiel sans cependant nier, a précisé à l'audience le président Yves Jacob.
Interrogé à l'audience sur ces aveux, le tueur en série présumé a affirmé avoir été victime de brutalités policières mais il n'a pu justifier ses déclarations devant les juges.
Selon ses dires, un policier lui aurait porté un coup de crosse au front après son arrestation le 26 mars 1998, puis aurait manifesté l'intention de le tuer. Plusieurs autres l'auraient frappé, ce qui l'aurait plongé dans "un coma" durant sa garde à vue.
"Je ne savais plus où j'étais", a-t-il dit au président. Ce dernier lui a fait remarquer que les brutalités dont il parlait n'avaient pas été mentionnées à son avocat de l'époque, ni aux juges d'instruction. Le procès-verbal d'un examen médical en garde à vue mentionne "une plaie au front de six centimètres de long" mais rien d'autre, a dit le président.
L'ancien chef de la Brigade criminelle, la commissaire Martine Monteil, a expliqué mardi à la barre que Guy Georges avait été blessé au front au moment de son arrestation dans le quartier de Pigalle, lorsque des policiers l'avaient jeté à terre.
Le policier qui a recueilli ses déclarations a expliqué que le tueur présumé était "calme, cordial, intelligent" durant son interrogatoire. "Il s'est exprimé spontanément, il a donné des détails suffisamment précis que seul le tueur pouvait connaître", a poursuivi François Béchet.
La cour a ensuite fait passer les photos de la scène du crime où figure le corps de Pascale Escarfail. Sollicité, Guy Georges a demandé à un huissier de lui montrer ces photos, qu'il a examinées une à une sans émotion visible, dans un grand silence, seul son Avocat, à l'instar des parties civiles, deviendront blanc de terreur à la vue de ses photos. le père de Pascale quittera même la salle d'audience, les mains portées au visage, pleurant de rage et d'écoeurement : il n'avait jamais vu les photos auparavant.


Quatrième jour du procès -

Comme mercredi, le tueur en série présumé Guy Georges a nié le deuxième des sept assassinats pour lesquels il est jugé devant la cour d'assises de Paris, revenant à nouveau sur ses aveux.
Après les brutalités policières évoquées mercredi pour nier le premier assassinat, celui de Pascale Escarfail en 1991, il a cette fois dit que c'est par lassitude qu'il a avoué avoir tué Cathy Rocher le 7 janvier 1994 dans un parking du XIIe arrondissement de Paris.
"Je n'aime pas le mot innocent. je ne suis pas un ange. Etre innocent, c'est avoir des ailes dans le dos. J'ai mes antécédents", a-t-il dit pour répondre aux Avocats des parties civiles qui lui demandait pourquoi il n'arrivait pas à dire qu'il était "innocent"...
Il a eu ensuite de grosses difficultés à expliquer ses aveux. "J'en avais marre d'être interrogé sur tout ça, un type me faisait chier", a-t-il dit à la cour en parlant du policier qui l'interrogeait.
Ce dernier a expliqué à la barre qu'il avait obtenu les aveux de Guy Georges, lors d'une garde à vue le 19 novembre 1998, en parlant du chagrin de la mère de la victime.
"Nous l'avons eu par les sentiments. En partant sur la notion de mère, nous l'avons désarçonné et troublé, nous ne parlions plus à Guy Georges, le tueur, mais à l'enfant qu'il était", a dit l'enquêteur de la Brigade criminelle.
Cathy Rocher, 27 ans, avait été violée et tuée à coups de couteau dans un parking souterrain où elle venait de garer sa voiture. Des détails identiques à ceux d'autres crimes reprochés à Guy Georges ont été relevés. Les vêtements de la victime ont été découpés au couteau selon le "rituel" observé habituellement par le tueur en série de l'est parisien.
Car ici est souligné un élément fondamental du procès et qui justifie le principe de l'intime conviction : la signature du crime. Guy Georges découpait le soutien gorge entre les bonnets et la culotte sur le côté, éléments certifié par l'expert, qui relevera la constitution d'une véritable systématique dans la réalisation des crimes.
Cette signature a permi d'établir un lien entre les différents crimes, et crédibilise son accusation pour les crimes où il n'y a pas l'ADN de Guy George.

Le président de la cour, Yves Jacob, a lu à l'audience les aveux de Guy Georges. "Ce soir-là, j'étais en chasse", disait-il, expliquant qu'il avait emporté avec lui un couteau Opinel et un rouleau adhésif avec lequel il avait entravé sa victime. Dans ses aveux, il racontait en détail le viol et terminait en expliquant qu'il "avait eu l'intention de la tuer depuis le départ".
"Je l'ai frappée au hasard, en tournant la tête pour ne pas voir", disait-il, justifiant les propos de sa famille sur le fait qu'il est "effrayé par le sang, terrorisé par la vue de ce rouge aggressif"...

Après la lecture, le président a demandé à l'accusé son opinion. "Y'a plein d'invraisemblances. Les policiers m'ont guidé", a répondu Guy Georges.
Dans sa déposition figurent des détails qui ne correspondent pas à ceux de la scène du crime, relatifs à la position du corps ou à la configuration des lieux, mais donne les détails d'une autre crime, celui d'Elsa Benady, mélangeant ainsi deux agressions.
Mais Guy Georges est perdu par ses aveux initiaux : il donne le positionnement exact de la voiture de mademoiselle Rocher, et rappellait "qu'il lui a demandé son code de Carte Bleue, et dis avoir retiré 3800 francs à tel guichet", ces informations furent à l'époque vérifiées, et ... authentifiées. Ces éléments avaient été tenu secret dans le dossier, donc Guy Georges ne pouvait avoir eu connaissance de la somme retirée, et de l'adresse exact du guichet où cette somme fut retirée.
Ici encore, comme pour les crimes précèdents, le crime porte la signature : soutien gorge tranché entre les bonnets, culotte sur le côté gauche...


Cinquième jour du procès - le lapsus fatal

Guy Georges s'est adressé à la famille d'une jeune femme tuée en 1994 pour se proclamer innocent du crime, au cinquième jour de son procès devant la cour d'assises de Paris. "Qu'avez-vous à dire à la famille d'Elsa Benady ? ", lui a demandé Me Alain Maury, avocat des proches de cette jeune femme de 23 ans, violée et poignardée dans la nuit du 8 au 9 novembre 1994 dans un parking souterrain du XIIIe arrondissement de Paris. "J'ai à dire que j'ai pas tué leur fille. En 1995, on m'a posé une question. En 1998, on m'a posé deux questions (...) Il y a des preuves que c'est pas moi", a répondu l'accusé, qui s'est levé en regardant les parents et les frères et soeurs de la victime. Georges avait tenu des propos ambigus sur le meurtre d'Elsa Benady lors de l'enquête, ne délivrant pas des aveux circonstanciés. En 1995, il avait été disculpé dans un premier temps, une analyse portant sur son ADN et des traces retrouvées sur les lieux du crime ne s'étant pas révélée concluante.
Mais là encore, la signature est là, même si les experts criminalistique annonce qu'apparamment l'auteur est sûrement ambidestre, et majoritairement gaucher, alors que dans le même temps, Guy Georges annonce, bien sûr qu'il est droitier.


Solange Doumic, Avocate de la famille Escarfail, lui a en effet posé une série de questions pour savoir s'il était gaucher ou droitier, et a fini par demander : "Quand vous frappez avec un couteau, vous frappez toujours de la main droite ? (mimant le geste d'un coup meurtrier)". Et l'accusé de répondre du tac au tac : "Oui."
Stupeur dans la salle, mais le Président passe rapidement à autre chose, ne voulant pas s'appuyer sur un mécanisme freudien, mais sur des aveux tangibles.
Les discussions reprennent, et quelques minutes après, l'Avocate de Guy Georges, Frédérique Pons, commet ce que certains appeleront "l'erreur de la Défense dans le procès", et d'autres comme la preuve de l'intégrité de Mademoiselle Pons, cette dernière revenant sur le lapsus qui s'était déjà évacué de l'attention collective :
"Vous avez parlé de manière provocatrice de la façon dont vous teniez un couteau. Qu'avez-vous voulu dire en faisant cette déclaration ?", lui a ensuite demandé Me Pons. "Si vous avez tué Elsa Benady, dites-le maintenant", lui lance Alex Ursulet.
"Elle m'a eu!" rétorque maladroitement Guy Georges. "Elle m'a tendu un piège, je suis tombé dedans". Véritable consternation dans l'audience générale, et Alex Ursulet de reprendre : "Vous savez que vous êtes un client difficile à défendre ? Mon pire adversaire ici, ce n'est pas les l'Avocat Général ni le Président, c'est vous!" lance t il à un Guy George, conscient de ses erreurs mais agressif "Ecoutez, moi, je crois que je vais partir d'ici, qu'est ce que je fous là! J'ai bien accepté de comparaître!"
Maître Pons s'effondre en larmes... et Georges s'assied en fusillant maître Doumic, d'un regard insoutenable, pour l'avoir ainsi manipulé.

La suite est capitale puisque c'est à cet instant que le procès vit sa rupture centrale : Guy Georges reste silencieux, comme la salle qui attend les aveux...
"Ce que j'ai à dire fera mal à tout le monde. J'arrive pas à dire parce que je suis dans un état... Pour moi c'est pas un problème mais pour eux, oui...", a-t-il dit, blême, en regardant le banc des parties civiles.
"Ça fait trois ans que je suis sous pression. Ça fait une semaine que je suis ici, j'ai jamais vécu une chose comme ça, même si je suis déjà passé en cour d'assises. Je suis nerveux, j'ai pas envie que ça déborde. Ce que je vis depuis une semaine, je l'ai jamais vécu, c'est insupportable, j'aimerais réfléchir jusqu'à lundi, bien au calme, si je puis dire...", a dit Guy Georges.

Le Président le regarde, lui demande s'il n'est pas sûr de vouloir parler maintenant, pour "soulager sa conscience".
Devant le refus de Guy Georges, la soeur d'Elsa Benady vient à la barre témoigner pour sa chère disparue, et se tourne vers l'accusé : "Il faudrait nous aider... Il faut que sa sorte... Si vous aviez pu la connaître... Elle était si douce..." lui murmure t elle avec une douceur infinie, inattendue. Guy Georges répond par un hochement de tête presque imperceptible.

Tout le monde quitte la salle avec le visage tiré par le stress mais avec un entrain inhabituel dans ce procès : les aveux sont attendus lundi...


Deuxième semaine du procès Guy Georges -

Lorsque j'entre dans la Cour d'Assises ce lundi, je remarque avec stupéfaction la file d'attente de centaines de personnes désireuse d'assister aux aveux, et la présence en masse de journaliste dans la salle d'audience. Les visages sont crispés, les sourires se multiplient, les toux de l'angoisse fusent dans un silence relatif : les âmes transpirent ce matin.
Un journaliste m'annonce personnellement que Guy Georges a été extrait de force de sa cellule de la prison de la Santé... Donc, j'en déduis qu'il ne parlera pas, mais pourquoi avoir semé ses annonces d'éventuels aveux?
L'accusé a également refusé de s'habiller et à quelques minutes de la reprise de l'audience, il était encore nu dans le couloir du dépôt du palais de justice, auquel le public n'a pas accès.
"Ce que j'avais à dire, c'était désagréable. La justice, j'en ai marre, ça fait plus de trente ans que je suis humilié. La justice, je lui pisse dessus. A partir de maintenant, je ne dirai plus rien", a-t-il dit à la reprise de l'audience, au sixième jour de son procès.
Stéphane Bourgoin, spécialiste notoire des tueurs en séries, m'avit d'ailleurs annoncé qu'il pensait que Guy Georges, à un moment où à un autre confronté à la deuxième semaine de son procès et aux traitements de crimes où il y a un ADN sur chaques scènes, se murerait dans le silence.
Guy Georges a ensuite demandé à regagner sa cellule mais le président Yves Jacob a refusé en précisant qu'il avait le droit de garder le silence mais pouvait être contraint à comparaître.

Après un conciliabule à voix basse avec ses avocats, Mes Frédérique Pons et Alex Ursulet, l'accusé a refusé de changer d'attitude.
La cour d'assises devait examiner lundi le viol et l'assassinat d'Agnès Nijkamp, commis le 9 décembre 1994 dans un immeuble du XIe arrondissement de Paris.
"Ici, c'est du théâtre", a déclaré plus tard l'accusé, toisant avec mépris la salle d'audience, remplie de centaines de curieux et de journalistes, attirés par ses "promesses" de vendredi. "Il y a un moment où je parlerai aux familles mais pas à la justice ou aux avocats", a-t-il ensuite déclaré. Mais quand deux proches d'une de ses sept victimes présumées, Agnès Nijkamp, lui ont demandé de parler, il a lâché: "Je ne vous répond pas". "Ce soir, je rentrerai en Hollande, j'aimerais pouvoir expliquer un peu de choses à ma famille et vous êtes peut-être en mesure de m'aider maintenant", a insisté, en pleurs, Christine Nijkamp, soeur de la victime. "Je parlerai après le verdict, tout à l'heure je parlerai (...) Je ne suis pas en mesure maintenant. Votre frère va venir ? Je parlerai après le verdict", a répondu l'accusé.

Agnès Nijkamp, 32 ans, avait été violée et égorgée au couteau le 9 décembre 1994 dans un immeuble du XIe arrondissement de Paris. Les empreintes génétiques de Guy Georges ont été retrouvées sur son corps. Le tueur présumé a avoué ce crime devant un juge d'instruction en mai 1998. Il expliquait alors qu'il avait attendu sur le paillasson de l'appartement, attendant que la jeune femme sorte pour la repousser à l'intérieur, la violer, la tuer et dérober divers objets. Le président Jacob a lu ces aveux de Guy Georges où il disait: "Je ne sais pas ce qui m'a poussé à tuer cette femme". Guy Georges est resté le regard fixe pendant cette lecture, ses doigts tapotant la cloison de son box. Il a refusé de regarder les photos de la scène du crime, dont l'horreur a bouleversé les policiers endurcis de la Brigade criminelle. Ses avocats, Mes Frédérique Pons et Alex Ursulet, qui ont plaidé jusque là l'erreur judiciaire, ont d'abord essayé de le convaincre de changer d'attitude, sans succès, et ils se sont eux aussi réfugiés dans le silence.
Le récit du détail du crime est consterant, comme les autres. Guy georges aurait suivi la jeune fille et aurait attendu derrière sa porte, convaincu qu'elle allait ressortir. Agnès, selon ses amis, semblait être d'une particulière joie de vivre le jour de sa mort, elle était au téléphone avec son petit ami lorque Guy georges attendait derrière la porte. Elle devait le rejoindre au restaurant mais elle ne sait pas que la mort l'attend dans le quart d'heure qui suit. Guy Georges la violera, lui assènera 17 coup de couteau. Dans le minutage du crime, le petit ami de la victime laissera plusieurs messages sur le répondeur, pendant que le viol et l'assassinat se réalise. C'est lui qui découvrira le corps de sa bien aimée.

Mardi, deuxième semaine du procès - Jour des aveux

A la reprise de l'audience, le tueur en série, qui s'était rasé le crâne et portait un pull blanc, a été conduit aux aveux par son propre avocat, Me Alex Ursulet, qui avait pourtant soutenu jusque là l'innocence de son client.
"Le moment est venu de dire les choses. Si vous avez des choses à dire, dites-les", a lancé l'avocat. Guy Georges a d'abord répondu : "Non".
Faisant face à une de ses victimes venant témoigner à la barre (cette jeune femme fut rescapée de Guy Georges, alors que baillonée et prête à subir les mêmes châtiments que les autres femmes, avait profité d'un moment d'égarement de guy Georges pour sauter par la fenêtre et s'échapper), Maître Ursulet clame : "pour qu'un jour votre père, votre mère, votre famille, vos amis vous pardonnent, pour qu'un jour vous vous pardonniez, avez vous agressé cette jeune femme ? "Oui", répondit alors Guy Georges, ainsi qu'à l'énoncé des identités des septs femmes victimes, avant de s'effondrer en larmes.

Il est sur un chemin de vérité, il plonge... Il flirte avec la ligne du vide, comme s'il avait peur de tomber, enfin, lui-même, dans les crevasses qu'il avait ouvert pour nous.
Il a voulu comprendre quelles forces obscures en mouvaient les engrenages. Il s'est mis en danger. Sa confession ressortira brûlante de cette immersion.

Il a ensuite demandé à s'adresser aux familles des victimes assises en face de lui. "Je vous demande pardon (...) Je demande pardon à la famille, à la petite soeur, à mon père, à un Dieu, s'il y en a un, et, moi, je me demande pardon, c'est tout", a-t-il dit.
Guy Georges a reconnu avoir violé et égorgé sept jeunes femmes dans les années 90 : Pascale Escarfail, en janvier 1991, Catherine Rocher, en janvier 1994, Elsa Benady, en novembre 1994, Agnès Nijkamp, en décembre 1994, Hélène Frinking, en juillet 1995, Magali Sirotti, en septembre 1997, et Estelle Magd, en novembre 1997.
Le tueur a expliqué qu'il avait commis ces crimes sous le coup de pulsions incontrôlables et affirmé qu'il avait souhaité se faire arrêter par la police.
"Même moi, je me suis toujours demandé, mais je ne sais pas pourquoi je tue, je ne peux pas vous dire. Je me posais des questions. Pourquoi ? Tu pètes les plombs et d'un autre côté t'es quelqu'un d'autre", a-t-il déclaré.

"Mes soeurs de sang"

Guy Georges, arrêté le 26 mars 1998, a été décrit au cours de son procès comme un garçon normal et même plutôt sympathique par ses amis et ses ex-maîtresses.

Mais il y a ces bars où il attend ses futures victimes, où il explore son côté obscure. Plus les pulsions se rapprochent, plus les chemins du retour se ferment.

Plus il s'enfonce dans l’inconscience, dans l’impasse de l’expérimentation. Il veut toucher l’Everest dans l’escalade de ses vices.

Il a dit qu'il tuait de face après avoir enlevé ses habits, pour éviter qu'ils soient maculés de sang. "Je me souviens deux fois avoir fermé les yeux des filles", a-t-il dit. Il a nié tout viol post-mortem, alors que pour en particulier l'affaire Escarfail, une déchirure anale importante fut constatée, supposée post-mortem, possibilité évoquée par des médecins légistes pour également deux autres victimes.

"Je me suis posé la question aussi, comment je pouvais arrêter. C'est pour ça que j'ai donné mon sang en 1995", a-t- il dit, fondant à nouveau en larmes. "Je vais être condamné à une peine mais c'est moi qui me l'inflige, j'ai foutu ma vie en l'air".
En septembre 1995, la Brigade criminelle l'avait extrait de prison, où il purgeait une peine pour une agression, et l'avait interrogé sur l'un des crimes qu'il reconnaît aujourd'hui, celui d'Elsa Benady, en 1994.
Il avait nié mais avait accepté de donner son sang pour une expertise ADN, en vue d'une comparaison avec des traces retrouvées sur les lieux du crime. Le résultat avait été négatif et Guy Georges avait été libéré. Il aurait ensuite tué encore deux autres femmes.
Guy Georges a en revanche nié être l'auteur de trois des quatre autres agressions pour lesquelles il est poursuivi. Annie, violée en janvier 1994, l'a pourtant formellement reconnu à l'audience lundi. Estelle et Valérie, agressées mais non violées, respectivement en juillet et en octobre 1997, n'ont pas encore été interrogées par la cour.

Guy Georges a reconnu l'agression d'Elisabeth, en 1995. La jeune femme, appelée à la barre mardi après-midi, a raconté en détails cette agression, très émue en parlant des autres victimes qui n'ont pas survécu.
"J'ai réalisé qu'elles étaient mes soeurs de sang. Je ne les connais pas mais je sais comment elles sont mortes. J'aimerais vous les rendre aujourd'hui un peu plus vivantes, faire partager un moment de l'agression, car je sais la terreur et la révolte qu'elles ont subies", a-t-elle dit.
Elisabeth avait échappé par miracle à Guy Georges, en fuyant après avoir été entravée sur son lit à son domicile. Elle a été ensuite victime d'un accident de voiture et elle s'est présentée à la cour en fauteuil roulant.
C'est elle, la soeur d'Elsa Benady et une amie d'Agnès Nijkamp qui auraient poussé Guy Georges aux aveux, a dit l'accusé, qui a reconnu avoir été "remué" par ces femmes.
Les familles des autres victimes se sont dites soulagées après ces aveux.
"J'ai articulé le mot 'merci' et il a eu un mouvement de tête. Merci de nous avoir apporté un soupçon d'apaisement, de diminuer le capital de haine", a dit Liliane Rocher, mère de Catherine.

"Mon fils avait besoin d'entendre Guy Georges dire que c'était lui car il doutait encore", a dit Ghislaine Benady, mère d'Elsa.
Pour la première fois, l'accusé a reconnu qu'il avait suivi d'autres femmes, avec l'idée de les tuer. "Il y avait des circonstances qui faisaient que je pouvais pas... J'arrivais trop tard, ou autre chose", a-t-il dit.

Il n'a pas été interrogé sur les dates et les lieux de ces épisodes mais a expliqué qu'il était alors en possession de sparadrap - utilisé pour entraver ses victimes - et d'un couteau. Il a par ailleurs raconté en partie l'assassinat d'Hélène Frinking, une Néerlandaise de 27 ans, tuée le 8 juillet 1995 dans un immeuble du Xe arrondissement de Paris. A l'avocate de la famille qui lui demandait si sa victime l'avait supplié pour avoir la vie sauve, il a répondu : "sincèrement, non, car elle ne savait pas que j'allais la tuer. Quand j'ai mis un coup de couteau, elle a crié mais elle ne pouvait plus parler".
Et il plonge dans la confession la plus violente, il purge sa conscience comme d’autres une serpillière souillée.
Interrogé sur ses motivations, le tueur a répondu : "J'étais dans un état que j'explique pas. Je suis conscient sans être conscient. C'est dur ce que je vais dire mais dans ces moments-là, je suis sans pitié", a-t-il dit.

Il poursuit en vain ses frontières, il tente d'accéder à quelque chose qui ne soit pas une fuite, un nouvel échec.

Avant le crime, Hélène Frinking, abordée dans la rue et suivie jusqu'à chez elle sous la menace d'un couteau, a parlé au tueur et a essayé de l'amadouer, a révélé Guy Georges. "Elle a parlé de son métier et de son âge et sûrement d'autre chose que j'ai oublié. Elle a dit que je me calme. Elle m'a posé des questions aussi", a-t-il dit.
"Est-ce quelqu'un ou quelque chose pourrait vous arrêter dans ces moments-là ?", a demandé à Guy Georges son avocat, Me Alex Ursulet.
"La mort", a simplement répondu l'accusé, après un silence.

Interrogé par la cour sur les motivations de ses expéditions criminelles, quand il recherchait des femmes dans Paris, il a répondu : "tuer, tuer". Il a parlé d'une "pulsion", d'un "truc" qu'il s'est dit incapable d'expliquer.
Il a affirmé n'avoir pas commis d'autre assassinat que les sept qu'il a admis, répondant simplement "non" à une question à ce sujet.
Le quotidien France Soir écrit mercredi que la police néerlandaise a demandé à Paris les empreintes ADN de Guy Georges, pour savoir s'il pouvait être l'auteur de plusieurs meurtres de jeunes femmes en 1994 à Amsterdam.

"Vous êtes la mort"

"Depuis trois ans, je ne supporte plus ce que j'ai fait. J'ai été soulagé de ne pas pouvoir recommencer. Depuis que je suis en prison, j'ai plus de pulsions de... je ne sais pas comment on dit, comme avant, quoi", a-t-il lancé.
L'accusé, âgé de 38 ans, n'a plus le visage dur qui était le sien au début du procès, quand il niait encore les faits, mais possède toujours cette dissymétrie du visage, avec le côté droit doux, et le côté gauche mangé par la haine.
Toujours vêtu d'un pull immaculé, d'une voix blanche, il a raconté en détails à la cour d'assises les assassinats de Pascale Escarfail, de Catherine Rocher, d'Agnès Nijkamp et d'Hélène Frinking.

Il a révélé qu'il avait parlé parfois longuement avec ses victimes et leur avait fait parfois croire qu'il allait les épargner, avant de les frapper.
"Vous n'avez rien compris, Monsieur. Hélène, c'était la vie, vous êtes la mort", a dit la soeur d'Hélène Frinking.
"Vous êtes quelqu'un de complètement bidon à un degré très désagréable pour moi. Vous portez le pull blanc de l'innocence, vous êtes là à plastronner, je trouve ça insupportable", a dit le père de Pascale Escarfail.

Guy Georges s'est dit "soulagé" à l'idée de passer le reste de sa vie en prison, ce qui lui évitera une récidive.
"Je sais que c'est fini, je ne peux pas recommencer, c'est pas possible. Je suis en prison et je sais que je vais pas en ressortir", a-t-il dit lors de la neuvième audience de son procès devant la cour d'assises de Paris.
"Ça vous soulage ?", a demandé un avocat des victimes. "Oui", a-t-il répondu.
L'accusé a été pris à partie à l'audience par la famille de Magali Sirotti, une jeune femme de 19 ans qu'il a reconnu avoir violée et tuée le 23 septembre 1997 dans le XIXe arrondissement de Paris.
"Tu peux demander pardon à Dieu, à qui tu veux, tu peux pas demander pardon aux familles pour un truc comme ça, t'as pas le droit car tu sais très bien ce que tu fais", a dit Franck Sirotti, le frère de la victime, le visage rongé par la haine, le regard vitreux, en larmes.
La mère de Magali, Chantal Sirotti, a expliqué qu'elle avait choisi avec sa fille sa robe de mariée en août 1997, un mois avant que la jeune femme ne succombe sous les coups de Guy Georges.
Le fiancé, qui avait découvert le corps, n'est pas venu à l'audience car il craignait de s'emporter, a-t-elle expliqué. "J'ai entendu dire que vous avez été placé à la DDASS, M. Guy Georges. Moi aussi, j'ai été placée à la Ddass, ma mère m'a abandonnée avec cinq frères à l'âge de cinq ans. C'est pas pour ça que je suis devenue délinquante", a dit Chantal Sirotti.
A ce moment, l'accusé, blême, n'a pas dit un mot et a regardé fixement le témoin. Il avait troqué son pull blanc endossé mardi, jour de ses aveux, pour un sweat-shirt noir.

"Pulsion irrépressible"

Comme pour les autres victimes, Guy Georges a accepté de raconter en détail à la cour comment il avait tué Magali Sirotti. Il a expliqué qu'à la différence des précédents, ce crime n'avait pas été prémédité.
Sorti de prison trois mois plus tôt, il avait aperçu Magali par hasard dans la rue d'Hautpoul et l'avait forcée à le conduire chez elle - sans arme, car il ne portait pas de couteau cette fois-là.

"J'avais envie de tuer", a-t-il dit, affirmant à nouveau qu'il était habité avant ses crimes d'une pulsion irrépressible. Après avoir entravé sa victime avec les lacets de ses chaussures et l'avoir violée, il l'avait égorgée avec un couteau de cuisine trouvé dans un tiroir.
Il a précisé être ensuite rentré chez l'ami qui l'hébergeait, emportant, pour son dîner, les produits alimentaires que sa victime venait d'acheter.
"Il avait un sentiment d'invincibilité par rapport à la police et à la justice, il se sentait sans doute très fort", a dit ensuite un policier de la Brigade criminelle, qui le cherchait alors depuis 1994 et l'avait interrogé une première fois en 1995, sans succès.

En fin d'audience, Guy Georges a été confronté à Valérie L., agressée le 28 octobre 1997 dans son immeuble du VIe arrondissement par un homme qui l'avait menacée avec un couteau avant de prendre la fuite.
La victime a formellement identifié l'accusé, qui est poursuivi pour cette agression, mais ce dernier a nié en être l'auteur. Il nie également l'agression contre Estelle F., le 2 juillet 1997 dans le XIe arrondissement, et le viol d'Annie F. le 19 janvier 1994 dans le XIVe.

Guy Georges, qui a avoué l'assassinat de sept jeunes femmes, n'est pas un malade mental mais sa violence de "psychopathe narcissique" est incurable en l'état des connaissances scientifiques actuelles, ont déclaré des experts devant la cour d'assises de Paris. Des "troubles de l'identité", provoqués surtout par son abandon à la naissance, expliqueraient en partie la violence froide de l'accusé, qualifiée de "prédatrice" par le docteur Michel Dubec. Les experts n'ont cependant pas véritablement expliqué le "pourquoi" de ces crimes, commis entre 1991 et 1997 à Paris.

Pendant ces exposés, Guy Georges a affiché un sourire énigmatique, qui semblait parfois ironique. Le procès doit se terminer jeudi, après les plaidoiries et le réquisitoire. L'accusé risque la perpétuité et la cour peut assortir cette peine d'une période incompressible pouvant aller jusqu'à 22 ans. Les médecins, qui l'ont interrogé à de nombreuses reprises pendant l'instruction, le présentent comme un sujet "timide", d'intelligence "plutôt bonne" malgré sa faible éducation.

Il n'exprime aucune haine envers quiconque, ont souligné les experts. Il n'est pas fou, ont-ils expliqué, dans le sens où il n'a jamais perdu contact avec la réalité. "Il a toujours fait preuve de présence d'esprit pour éviter de tuer quand il se savait recherché", a dit Michel Dubec, rappelant qu'il quittait alors Paris ou recherchait la compagnie d'amis.
Il présenterait cependant les traits d'un "psychopathe" et d'un "pervers narcissique" dénué de toute émotion. Le docteur Dubec a comparé sa violence à celle d'un "chat chassant un oiseau". "Il n'a pas de colère ni d'agressivité apparente, pas de haine. Il est focalisé sur la cible. Il traite ses victimes comme des objets qui n'éprouvent rien. Il s'agit d'une conduite qui provoque un bénéfice psychique effrayant : un sentiment de maîtrise et d'omnipotence absolue", a-t-il dit. "Pulsions" irrépressibles L'accusé a reconnu avoir violé et égorgé sept jeunes femmes âgées de 19 à 27 ans, déclarant à l'audience qu'il aurait été mû par des "pulsions" irrépressibles, dont il ne pouvait expliquer la nature. En dehors de ses expéditions criminelles, il menait une vie de marginal dans des squatts de Paris mais avait une vie affective normale. Ses anciens amis l'ont plutôt décrit à l'audience comme étant de compagnie agréable. Sa fureur destructrice envers ses victimes aurait eu pour mobile possible leurs caractéristiques communes, selon le docteur Henri Grynszpan.

"Ce qui accroche son regard dans la victime, ce n'est pas la faiblesse ou la vulnérabilité, mais au contraire sa beauté irradiante, son caractère socialement adapté qu'il repère à ses vêtements, l'énergie vitale qu'elle dégage", a-t-il expliqué. "Ce qui lui est insupportable, c'est la vie chez l'autre, la réussite, qui le renvoie à son propre sentiment de frustration et d'échec", a-t-il ajouté. A l'origine de cette violence "déshumanisée" se trouverait la "malédiction" de son origine, selon le psychiatre. Fils d'un cuisinier de l'armée américaine et d'une Française, Guy Georges a été abandonné et cela l'aurait d'emblée "assigné négativement".

L'échec de son placement dans une famille adoptive aurait aggravé cette "déstructuration" de sa personnalité. Guy Georges a été placé en foyer à son adolescence après avoir agressé sa soeur de lait.

En synthèse, Guy Georges repère ses victimes selon deux critères : leur forte énergie vitale et leur attitude socialement intégrée, ces deux traits le renvoyant aux échecs des siens, mais ce qui frappe les familles c'est que dans quelques meurtres, il a repéré la victime dans leur voiture lors de quelques secondes d'éclairage intérieur, ce qui induirait la saisine inconsciente, immédiate, de ces deux traits de caractères, et configure alors l'instinct prédateur tout puissant.

L'audience a glissé vers des interrogations plus générales sur les psychopathes et les tueurs en série. Pour le docteur Dubec, "il est impossible de prévenir de tels phénomènes car il faudrait laver le cerveau de tout le monde". "L'image du psychopathe peut s'améliorer en temps de guerre. Les grands psychopathes peuvent faire d'excellents officiers de la Légion étrangère", a-t-il estimé. "Ce qui fascine chez les tueurs en série, ce sont les extrémités, comme si ce comportement monstrueux représentait un phare éclairant nos comportements les plus intimes", a dit pour sa part Henri Grynszpan.

Derniers jours du procès -

"Celui qui est dans le box n'est plus un être humain. Il faut lui donner une sanction qui permette à la société de vivre sans le laisser un jour dans la rue", a déclaré Me Alain Maury, avocat de la famille d'Elsa Benady, tuée en 1994. Me Benoit Chabert, qui parlait pour la famille de Magali Sirotti, assassinée en 1997, a souligné pour sa part que l'accusé s'était lui-même déclaré "soulagé" d'être en prison, pour éviter toute récidive. "Personne ne peut se poser la question : recommencera-t-il ? Il est soulagé d'être en prison, car dans ce monde clos, il n'est pas livré à lui-même. La seule personne qui peut aider Guy Georges aujourd'hui, c'est Guy Georges", a dit l'avocat.

Lundi, les psychiatres qui ont examiné l'accusé à l'instruction ont expliqué à la cour qu'il ne souffrait pas véritablement d'une maladie mentale qui pourrait faire l'objet d'une thérapie. Selon ces experts, le tueur présumé présenterait les traits d'un "psychopathe et d'un pervers narcissique", dont l'extrême violence ne peut être guérie en l'état actuel de la médecine. Me Marc Huber-Suffrin, avocat des parents d'Estelle Magd, dernière victime de Guy Georges, a expliqué que les parents de la jeune femme demandaient une peine "d'élimination" car ils se sentent "offensés" par le jugement des psychiatres. "Ce n'est pas seulement un agresseur sexuel, c'est un destructeur", a dit Me Solange Doumic, avocate de la famille de Pascale Escarfail, première victime de Guy Georges en 1991. Le père de cette dernière a fondé une association qui milite pour que le "plafond" de la peine de sûreté maximale passe de 22 à 30 ans.

La réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période incompressible de 22 ans, fut donc requise mercredi à la cour d'assises de Paris contre Guy Georges, qui a avoué les assassinats de sept jeunes femmes dans la capitale entre 1991 et 1997.
L'avocat général Evelyne Lesieur a estimé que l'accusé, qualifié de "personnage diabolique", était une "incarnation du mal" et elle a jugé que la peine extrême était "dans l'intérêt de la société française au regard de son extrême dangerosité".

"Vous avez donné des leçons à l'Enfer!" clame t elle dans le silence de la Cour.

"C'est peu de chose de prendre la parole quand on est en face de vous, c'est même indécent de déranger les ténèbres dans lesquelles vous avez plongé vos victimes", a déclaré Evelyne Lesieur.

Elle a insisté sur "l'insoutenable douleur" des familles de victimes, qui étaient venues en nombre dans une cour d'assises remplie une nouvelle fois de curieux et de journalistes. Pour Evelyne Lesieur, Guy Georges est "un félin prêt à sauter sur sa proie".
L'avocate générale a retracé le procès et accablé l'accusé qui «a multiplié à l'infini l'arrogance, l'insulte, l'outrage et le déni», pour mener «le bal de la perfidie». Et puis, Guy Georges «piégé», le cinquième jour, qui «perd les mesures de sa partition, dissonance fatale». Enfin, le septième jour, «l'alchimie soudaine dans ce prétoire, Guy Georges adoptant le ton qui sied au confessionnal, veillées mortuaire ou mises en bière, qui avoue les meurtres aggravés sur sept jeunes femmes et la tentative sur Elisabeth O.». Juste avant «le rendez-vous, ici» avec la survivante, avec son empreinte ADN aussi : «Il n'y a plus d'échappatoire.»

Face à un Guy Georges impassible, l'avocate générale stigmatise «son besoin de sacrifices humains», «son rituel de vampirisation», pour «se nourrir de l'énergie vitale de ses victimes» : «Guy Georges ne scellera pas les noces barbares avec sa mère et accomplira ce que les experts qualifient de matricides déplacés. Puissiez-vous, Mme Davis (sa mère biologique, ndlr), dans votre exil californien, entendre et surtout comprendre ces mots !»
«L'indéfendable». A son tour, Me Frédérique Pons, qui a «l'honneur de défendre Guy Georges, l'indéfendable», plaide avec talent en trois actes.

Acte I. La justification de la défense. Me Pons dépeint à sa façon l'avocat en «rempart et bouclier» d'un client qui avait décidé de nier, puis «l'avocat, passeur, qui accompagne Guy Georges» après ses aveux, mais commet «un crime de lèse-expert» en contestant un rapport du Dr Pascal qui a identifié l'ADN du serial killer. «Je persiste et je signe», maintient-elle, dure.

Acte II. Le démontage clinique, point par point, du viol d'Annie et des deux agressions, toujours niées par son client : «Ce n'est pas le mode opératoire de Guy Georges.» «Je ne dis pas que ces victimes sont dans le mensonge, mais qu'on fabrique leurs souvenirs.»

Acte III. Me Pons s'adresse à son client, au nom de la société : «Guy Georges, je voudrais vous demander pardon. Vous n'êtes pas né psychopathe, votre sang est le même que le nôtre. Vous êtes devenu psychopathe. Un mal insupportable qui vient aux hommes par les hommes. Dès votre naissance, vous avez été "un stigmate qu'il a fallu effacer", selon un expert. Mme l'avocate générale, vous qui représentez la société, j'aurais aimé entendre un mot sur une société qui fabrique si bien les psychopathes, qui permet à une femme d'abandonner son enfant, à Hélène Rampillon de mentir à la Ddass et d'entraîner son changement d'état civil à 6 ans. Alors, si on vous a donné la vie, on vous l'a reprise aussitôt, un expert a parlé de mort psychique.»

Psychotérapie. Frédérique Pons dénonce les fautes de la société, «ces foyers» et ces prisons qui engendrent la délinquance. «Après avoir fait de vous un psychopathe, après vous avoir diagnostiqué psychopathe, on vous dénie le statut de malade. La prison pour les délinquants. Les asiles pour les malades. Les psychopathes, nous les créons mais nous ne savons pas les arrêter, alors on les met en prison. Raccrochez-vous à l'epsilon du psychiatre, à la psychothérapie. M. Guy Georges, je ne sais ce que sera votre demain, c'est à vous de l'inventer.»

Pendant sa plaidoirie, l'autre avocat, Alex Ursulet, avait exhumé une lettre écrite par le pupille de l'Etat, à 21 ans, à la Ddass du Maine-et-Loire, avec déjà des questions restées en suspens: «Monsieur le Directeur, je m'appelle Guy Georges, je suis né le 15 octobre 1962 à Angers. A ma naissance, je m'appelais Rampillon. Quelle est l'identité exacte de mes vrais parents? Que sont-ils devenus? Ai-je des frères et sœurs? Pourrais-je les connaître? Je suis en âge de comprendre. Pourquoi m'ont-ils abandonné? Surtout, pourrais-je les retrouver? Pourquoi ai-je changé de nom et comment reprendre mon ancien nom?» Guy Georges attend toujours la réponse, les réponses.

Le visage de plus en plus amaigri, joues creusées, yeux cernés, Guy Georges, qui refuse de se nourrir depuis dix jours, égrène ses griefs, calme, sans vindicte: «Pourquoi ne décide-t-on pas, après ma première peine de prison, de se pencher plus sur mon cas? Pourquoi, en 1982, on m'a mis en prison alors que j'avais rien fait? Pourquoi ai-je été condamné à dix ans de réclusion criminelle à la cour d'assises de Nancy, en 1984, en deux heures et demie, plaidoiries et délibéré compris?»
De barreau en barreau, Guy Georges escalade l'échelle de ses infractions, passe des délits aux crimes, avec autant d'incompréhension:«Pourquoi ma folie meurtrière commence-t-elle en 1991? Pourquoi on ne m'arrête pas en 1995? Pourquoi, quand on m'interroge sur mon CV, on s'arrête à 18 ans et on laisse d'autres que moi raconter les vingt autres années de ma vie? Pourquoi on dit que je suis homosexuel alors que tout démontre le contraire ?»

Les mains crispées sur ses papiers, l'homme met en parallèle «Joe the Killer» et «Joe l'Indien»: «Pourquoi je suis devenu ce tueur implacable et sans pitié, diabolique et démoniaque, selon l'avocate générale? Pourquoi alors est-ce que j'aime mes amis, mes petites amies, ma famille? Pourquoi je suis capable de plaisanter et de rire quand je souffre?» Dans un soliloque improvisé, l'accusé apostrophe alors l'avocate générale : «Vous parliez de moi qu'en noir. J'ai du blanc.» Puis à la cour et aux familles: «Je voudrais dire que j'accepte d'être là, j'assume ce que j'ai fait, mais j'ai une HAINE contre la société.»

Jour du verdict

A quelques heures du verdict de la cour d'assises de Paris, Guy Georges a parlé de sa "haine contre la société" et a laissé entendre qu'il pensait au suicide. "Aujourd'hui, j'accepte d'être là, j'assume ce que j'ai fait mais j'ai une haine contre la société. La peine qu'on m'inflige c'est rien, moi je m'inflige une peine", a dit le tueur en série jugé pour le meurtre de sept jeunes femmes, avant que le jury se retire pour délibérer. "Vingt-deux ans, c'est rien. Perpétuité, c'est la vie. Je ne sortirai jamais de prison, vous pouvez être tranquille. Je ne ferai pas cette peine, je peux vous le dire", a dit Guy Georges, laissant planer l'idée du suicide.

Jeudi matin, jour du verdict, l'accusé a aussi lu un texte qu'il avait préparé et où il pose une série de questions. "Pourquoi mes parents m'ont-ils abandonné ? Pourquoi ne m'a-t-on pas arrêté en 1995 ? Pourquoi je suis un tueur implacable et sans pitié alors que j'aime avec passion mes petites amies et mes amis ?", demande-t-il notamment. Il s'est adressé aux familles des victimes : "Même si vous ne l'acceptez pas, je vous demande encore pardon".
Dans la salle, son pote Fabien essuie ses larmes, et sa «p'tite sœur» Edwige prend des notes. «Donc, le sourire, c'est pas quelque chose de vrai pour moi.» Guy Georges se tourne vers les trois gardes du GIGN à ses côtés tout au long du procès: «Ça fait un peu fayot, mais je voudrais remercier les gendarmes qui sont avec moi, ils ont été corrects, sans animosité.»


Verdict -

La cour d'assises de Paris a finalement condamné Guy Georges à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans, la peine maximale prévue par le code pénal français.
Après quatre heures de délibéré, le "tueur en série de l'est parisien", âgé de 38 ans, a été reconnu coupable des viols et assassinats de sept femmes âgées de 19 à 27 ans entre 1991 et 1997, d'une tentative d'assassinat, d'un autre viol et d'une agression sexuelle.

"Voici le verdict de la cour d'assises de Paris». Jeudi, 16 h 42, au bout de quatre heures quinze de délibéré, le président Yves Jacob attaque la 42e question sur les 45 posées: «Guy Georges est-il coupable d'avoir commis le 2 juillet 1997 des violences sur Estelle F? La réponse est non. La 43e est donc sans objet. Par huit voix au moins, la cour a répondu oui à toutes les autres questions sur votre culpabilité»: sept assassinats, une tentative d'homicide, un viol et une agression. Bouche ouverte, Guy Georges écoute d'un air résigné la sentence prévisible, se frotte la joue, se gratte la cuisse, machinalement: «Vous êtes condamné à la peine de réclusion criminelle à perpétuité. La cour d'assises a fixé à vingt-deux ans la peine de sûreté.»

«Réelle perpétuité». En trois minutes, tout est dit. Sans un mot, sans un signe, Guy Georges tourne les talons et quitte les assises. En face du box vide, les familles s'embrassent et se congratulent. Annie F., victime d'un viol nié par Guy Georges, agite ses boucles blondes et retrouve le sourire. «On avait tous besoin d'entendre ce verdict», dit la mère de Cathy Rocher, assassinée en 1994. «Il faut une réelle perpétuité», réclament Chantal et Aldo Sirotti, parents de Magali, tuée en 1997: «Pour l'agression d'un enfant, c'est trente ans. Pour sept meurtres, c'est vingt-deux.» Gérard Frinking et Georges Bénady, deux pères de victime, font la paix avec les avocats de la défense.
La cour, qui a suivi en tous points les réquisitions de l'avocat général Evelyne Lesieur, l'a acquitté pour une autre agression commise en 1997 sur une jeune femme qui ne s'est pas rendue à l'audience et n'a jamais identifié formellement l'accusé.

Guy Georges n'a pas réagi à la lecture du verdict.

Les familles des victimes ont souhaité que le tueur ne sorte jamais de prison.
"Nous voulons une perpétuité réelle", a dit Chantal Sirotti, mère de Magali, 19
ans, assassinée en 1997. "Je continue à dire qu'il faudra faire attention, son cas sera réexaminé dans 19 ans, il ne faut pas qu'il sorte", a dit Ghislaine Benady, mère d'Elsa, tuée en 1994.
La peine de Guy Georges le contraint à rester au minimum en prison dans les 19 années à venir, compte tenu des trois ans de détention provisoire effectués depuis son arrestation en mars 1998. C'est seulement ensuite qu'il pourra présenter une demande de libération conditionnelle, qui ne sera pas obligatoirement acceptée.

"Humain et monstrueux"

Comme à la fin d'un spectacle, il a ensuite remercié en souriant les gendarmes de son escorte pour leur "correction" et s'est adressé pour finir aux familles des victimes: "Même si vous ne l'acceptez pas, je vous demande encore pardon".
Avant lui, son second avocat, Alex Ursulet, avait estimé que Guy Georges était revenu "dans la cour des hommes" grâce à ses aveux. Il avait posé à nouveau la question à laquelle l'accusé s'était lui-même dit incapable de répondre : pourquoi a-t-il tué sept femmes ?
"On vous a dit que c'est parce qu'il est monstrueux. L'avocat général vous a dit que c'est parce qu'il est le diable, comme si ça ne nous interrogeait pas au plus profond de nous. Moi, je vous dis : c'est parce qu'il est humain qu'il est monstrueux. Nous sommes à la fois comme lui et nous ne sommes pas lui", a dit l'avocat.

Interrogeant Madame Rocher sur son sentiment au prononcé du verdict, je me rends compte que l'abstraction de la peine ne parvient pas à rétablir les attentes inconscientes des parents des victimes : retrouver l'équilibre que la Justice annonce dans son appélation : retrouver leur enfant.
Un sentiment de vide dans la salle, pour cette mère écorchée et seule depuis le décès de son mari, deux ans après le meurtre de leur fille, suite au chagrin de sa disparition. "Mes soirées sont solitaires, avec mon chien". "Je vis en attendant la mort, mais je vis pour ma fille, pour le respect de sa mémoire".

En revanche, à son retour en audience pour les réparations civiles, le condamné affichait un réel malaise, une sorte de prise de conscience de la peine, et de ses dernières minutes hors prison.

Il ne flirte plus avec la ligne du vide, il tombe, enfin, dans les crevasses qu'il avait ouvert pour nous.

Silencieux, il s'est finalement retiré, affichant un dernier sourire, un regard indéfinissable, tel un cyclope inquiétant, plein de mystère, aux dernières personnes présentes en audience, emportant avec lui, éternellement, l'atlantide de son secret.

J’ai dû m’immerger dans l’immonde quelques heures face à cet homme, je suis sûr que vous en auriez fait autant.

Pour regarder en face, sans complaisance morbide, la nuit où il a été, où il sera advitam encore plongé, je crois qu'il existe une lumière dans laquelle tout ce qui a été, même l'excès du malheur et du mal, nous deviendra intelligible.

©L'Idéaliste