l'édito de David


Introduire L'Idéaliste est une chose que je considère délicate.
On n’introduit pas L'Idéaliste.
On entre dans le vif, dans la chair de ce que nous exigeons : l’impossible.

L’ère chrétienne a pris fin le 6 août 1945, à Hiroshima.

Depuis, l’humanité est entrée dans l’ère nucléaire ; nous ne sommes encore que dans la cinquième décennie de cette ère où les conditions de la survie de notre espèce doivent être fondamentalement repensées.
Chaque jour, nous entendons des appels à la croissance de la consommation, seule issue au problème du chômage.
Chaque jour nous recevons la consigne d’être efficaces, réalistes, compétitifs.
La crise sociale progresse, la croissance aussi.
Crise économique nous dit-on ? Voulez-vous me dire où cela ?
Le produit national n’a jamais été si conséquent, et jamais si concentré en quelques rares heureux financiers. Je ne m’en étonne pas.
Il m’a toujours semblé que nos concitoyens avaient deux fureurs : les idées et le pouvoir.
D’ailleurs toute l’Europe en est là. Je rêve parfois de ce que diront de nous les historiens du futur.

Une phrase leur suffira pour l’homme moderne : il s’aimait et lisait les journaux.


Après cette forte définition, le sujet serait, si j’ose dire, épuisé ?
Le pouvoir, disais-je.
Vous avez entendu parler, naturellement, de ces petits poissons des rivières brésiliennes qui s’attaquent par centaines au nageur imprudent, le nettoient, en quelques instants, et n’en laissent qu’un squelette immaculé ?
Et bien voilà notre organisation.
Voulez-vous d’une vie propre ? Comme tout le monde ?
Comment refuser ? On va vous nettoyer. Voilà un métier, une famille, des loisirs organisés. Réussite oblige. C’est à celui qui nettoiera l’autre.
L’entreprise vous mord, vous nettoie, et laisse votre squelette à la Bourse.
On appelle ça le ressort psychologique de l’initiative, la course à la réussite, au pouvoir.
En un mot compétition. Un mot qui devrait faire de la révolte une vertu.

La compétition, disais-je.
L’horreur économique, l’erreur économique. Au choix, n’est-ce pas ?
Le libéralisme en est la matrice, le creuset idéologique.
Mais le tragique vient de la source d’extraction de la logique libérale.
En effet, ce régime économique est tout sauf une systématique abstraite, car fatalement et concrètement fixé au sein des tares de la nature humaine.
Égoïsme, Individualisme, Vanité et Profit se présentent comme les parents sous-x du libéralisme, et les néo-monarques de notre coupable République.
Le libéralisme est à ce titre, avant tout et surtout, une authentique anthropologie économique.
Il raconte magistralement l’homme. Et son ego sans égal.


La compétition, disais-je donc.
L’école ne nous apprend-elle pas, dès notre plus jeune âge, à être le premier ?
Le scolaire n’est pourtant pas là pour nous montrer que nous sommes meilleur qu’un autre.
La note hiérarchise, avilie et personnifie une supériorité. Plusieurs écoles (à Namur en Belgique et l’école Jonathan à Montréal) ont d’ailleurs abandonné la notation.
Hélas, l'enseignement contribue à habituer les esprits des enfants à cet appauvrissement des concepts, à cette paresse de la pensée qu'est l'unidimensionnalisation (exemple: une échelle de 1 à 20). La seule justification de cette attitude est que la réduction à une mesure unique permet de hiérarchiser: A est-il supérieur à B ? Mais dès que A et B sont définis par plus d'une caractéristique, aucune hiérarchie n'est logiquement possible. Malgré son aspect innocent, la question n'a pas de sens. Chercher à y répondre est déjà une tromperie. c'est la prétention à hiérarchiser qui est fondamentalement perverse.
Meilleur que moi-même oui. Meilleur qu’un autre, non.

L’émulation, en revanche, devrait être enseignée.
A l’École, comme en prépa HEC... L’émulation solidaire, contre cette course infernale !
La compétition enfante une bête immonde, encore féconde depuis plus d’un demi-siècle : le primat d’un individu sur un homme.
Ainsi le marché, processeur de cette inhumanité, apparaît comme le nouveau totalitarisme, et la compétition son chef charismatique. Pensez et dormez performants !!
L’Apologie de la performance dogmatisée reconfigure alors le terrain économique en terrain de combat.
Mais quels sont ceux qui ont compté dans l’histoire du monde ? Ce ne sont pas des gens performants, si vous pensez à Socrate, ce sont des gens simples, des éveilleurs.

Il m’est avis qu’il est le devoir de tous d’être cet éveilleur, même celui de ceux qui avec un satanisme vertueux, comptent leurs écus avec leurs chances de vie éternelle.

Et notre propre Éveilleur au quotidien. On améliore une société en travaillant à sa propre perfection.
Une journaliste du Monde, écrivait il y a un mois « nous sommes la génération qui n’a pas su empêcher Auschwitz ».
Je fais le vœu que nous soyons celle qui empêchera le fléau capitaliste de nous annihiler, et de nous en faire l’irréfléchi complice. Je vous demande pardon ?
Prétendrions-nous vivre dans un système social coupable et être innocents ?

Nous ne pouvons affirmer l’innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous.
Chaque homme témoigne du crime de tous les autres.

Accepterions nous de continuer à vivre ainsi, dans un monde qui nous méprise ?


Rencontrons nous.


Je ne crois pas aux projets individuels, mais aux projets de personnes qui se construiront par les rencontres.
«Je» n'est que les liens que je tisse. Par les échanges, les humains ont créé la seule structure plus complexe, plus riche que chacun d'eux, le véritable surhomme : l'ensemble de tous. Ce surhomme collectif complète l'être par la conscience d'être : Je peux dire «je» parce qu ‘on m’a dit «tu».
La richesse qui nous permettra de construire, c’est cette rencontre. Alors bâtissons une société de la rencontre.

Rassemblons nous.

Regardons autour de nous, certains se lèvent déjà… Militons, manifestons dans des associations de toutes sortes, celles qui ont besoin de bras.

Parce que nous voulons tout, et tout de suite.

Parce que nos dix mille ans de civilisation doivent nous apprendre que nous n'en sommes qu'à la maternité du progrès, et que le monde entier est encore a inventer.

Alors où courrons-nous jeunes gens ? Nous courrons vers la justice, je l'espère, nous refusons l'épouvantable, j'en suis sûr, et nous nous engageons, avec insolence, en vivant haut et fort vos désirs, nos révoltes. Avec nous, il y aura des révolutions, soyons prêts à les utiliser positivement.

Puissance de nous.

Continuer, s’est s’abdiquer. Se révolter, s’est s’affirmer.
Est-ce une divine folie que de contester ?

"L'Idéaliste" montrera que l’idée naît chaque seconde.
Notre jeunesse est en cela un atout fondamental : nous vivons une double révolution, celle de notre propre personne, et celle de la société des hommes.
Leur entrelacement nous apporte la chance d'être créateur. Entrelacer la renaissance des esprits à celle des sociétés.

L’homme comme fin et comme commencement.

Albert Jacquard, Luc Ferry, et Théodore Monod, trio virtuose de l’idéalisme français contemporain, sont sans nul doute les derniers chercheurs d’absolu capables de nous proposer une étoile lointaine, édénique, vers laquelle guider nos choix quotidiens, de théoriser de nouvelles systématiques sociales, de nouveaux horizons où l’espoir est permis.

Les insoumis sont des révélateurs de mondes nouveaux, leur démarche est de remplacer le "il faut" de la Loi par "le pourquoi pas" du possible. Il est urgent de les écouter.

Car eux les paradis, ils les multiplient…

Je suis, je vis. J’attaque, je construis. Je pense donc je contredis.


Oui, mon ami, je file vers mon cap, et j’annonce ma Loi : J’hurle ma foi en la créature, sa création et sa perfection. Car je suis celui qui marche, en rêveur du possible.

Et vous-même ?

Je sais de vous l’essentiel : vous êtes de mon espèce.

Ainsi permettez-moi la foi, qu'un jour prochain, oui ce jour là exactement, nous puissions combattre dans les mêmes rangs.

Que l'espace d'un instant, "L’Idéaliste" vous immerge dans le flot des insoumis et des résistants...

Pour repousser avec vous, les limites du possible.


David Kersan

©L'Idéaliste




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Numéro 3~ Janvier 2001

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