Lère chrétienne a pris fin le 6
août 1945, à Hiroshima.
Depuis, lhumanité est entrée dans
lère nucléaire ; nous ne sommes encore que dans
la cinquième décennie de cette ère où les conditions de
la survie de notre espèce doivent être fondamentalement
repensées.
Chaque jour, nous entendons des appels à la croissance
de la consommation, seule issue au problème du chômage.
Chaque jour nous recevons la consigne dêtre efficaces,
réalistes, compétitifs.
La crise sociale progresse, la croissance aussi.
Crise économique nous dit-on ? Voulez-vous me dire où
cela ?
Le produit national na jamais été si conséquent,
et jamais si concentré en quelques rares heureux financiers.
Je ne men étonne pas.
Il ma toujours semblé que nos concitoyens avaient
deux fureurs : les idées et le pouvoir.
Dailleurs toute lEurope en est là. Je rêve
parfois de ce que diront de nous les historiens du futur.
Une phrase leur suffira pour lhomme
moderne : il saimait et lisait les journaux.
Après cette forte définition, le sujet serait, si jose
dire, épuisé ?
Le pouvoir, disais-je.
Vous avez entendu parler, naturellement, de ces petits
poissons des rivières brésiliennes qui sattaquent
par centaines au nageur imprudent, le nettoient, en quelques
instants, et nen laissent quun squelette immaculé
?
Et bien voilà notre organisation.
Voulez-vous dune vie propre ? Comme tout le monde
?
Comment refuser ? On va vous nettoyer. Voilà un métier,
une famille, des loisirs organisés. Réussite oblige. Cest
à celui qui nettoiera lautre.
Lentreprise vous mord, vous nettoie, et laisse votre
squelette à la Bourse.
On appelle ça le ressort psychologique de linitiative,
la course à la réussite, au pouvoir.
En un mot compétition. Un mot qui devrait faire de la
révolte une vertu.
La compétition, disais-je.
Lhorreur économique, lerreur économique. Au
choix, nest-ce pas ?
Le libéralisme en est la matrice, le creuset idéologique.
Mais le tragique vient de la source dextraction
de la logique libérale.
En effet, ce régime économique est tout sauf une systématique
abstraite, car fatalement et concrètement fixé au sein
des tares de la nature humaine.
Égoïsme, Individualisme, Vanité et Profit se présentent
comme les parents sous-x du libéralisme, et les néo-monarques
de notre coupable République.
Le libéralisme est à ce titre, avant tout et surtout,
une authentique anthropologie économique.
Il raconte magistralement lhomme. Et son ego sans
égal.
La compétition, disais-je donc.
Lécole ne nous apprend-elle pas, dès notre plus
jeune âge, à être le premier ?
Le scolaire nest pourtant pas là pour nous montrer
que nous sommes meilleur quun autre.
La note hiérarchise, avilie et personnifie une supériorité.
Plusieurs écoles (à Namur en Belgique et lécole
Jonathan à Montréal) ont dailleurs abandonné la
notation.
Hélas, l'enseignement contribue à habituer les esprits
des enfants à cet appauvrissement des concepts, à cette
paresse de la pensée qu'est l'unidimensionnalisation (exemple:
une échelle de 1 à 20). La seule justification de cette
attitude est que la réduction à une mesure unique permet
de hiérarchiser: A est-il supérieur à B ? Mais dès que
A et B sont définis par plus d'une caractéristique, aucune
hiérarchie n'est logiquement possible. Malgré son aspect
innocent, la question n'a pas de sens. Chercher à y répondre
est déjà une tromperie. c'est la prétention à hiérarchiser
qui est fondamentalement perverse.
Meilleur que moi-même oui. Meilleur quun autre,
non.
Lémulation, en revanche, devrait être enseignée.
A lÉcole, comme en prépa HEC... Lémulation
solidaire, contre cette course infernale !
La compétition enfante une bête immonde, encore féconde
depuis plus dun demi-siècle : le primat dun
individu sur un homme.
Ainsi le marché, processeur de cette inhumanité, apparaît
comme le nouveau totalitarisme, et la compétition son
chef charismatique. Pensez et dormez performants !!
LApologie de la performance dogmatisée reconfigure
alors le terrain économique en terrain de combat.
Mais quels sont ceux qui ont compté dans lhistoire
du monde ? Ce ne sont pas des gens performants, si
vous pensez à Socrate, ce sont des gens simples, des éveilleurs.
Il mest avis quil est le devoir de tous dêtre
cet éveilleur, même celui de ceux qui avec un satanisme
vertueux, comptent leurs écus avec leurs chances de vie
éternelle.
Et notre propre Éveilleur au quotidien. On améliore une
société en travaillant à sa propre perfection.
Une journaliste du Monde, écrivait il y a un mois « nous
sommes la génération qui na pas su empêcher Auschwitz ».
Je fais le vu que nous soyons celle qui empêchera
le fléau capitaliste de nous annihiler, et de nous en
faire lirréfléchi complice. Je vous demande pardon
?
Prétendrions-nous vivre dans un système social coupable
et être innocents ?
Nous ne pouvons affirmer linnocence de personne,
tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité
de tous.
Chaque homme témoigne du crime de tous les autres.
Accepterions nous de continuer à vivre ainsi, dans un
monde qui nous méprise ?
Rencontrons nous.
Je ne crois pas aux projets individuels, mais aux projets
de personnes qui se construiront par les rencontres.
«Je» n'est que les liens que je tisse. Par les échanges,
les humains ont créé la seule structure plus complexe,
plus riche que chacun d'eux, le véritable surhomme
: l'ensemble de tous. Ce surhomme collectif
complète l'être par la conscience d'être : Je peux dire
«je» parce qu on ma dit «tu».
La richesse qui nous permettra de construire, cest
cette rencontre. Alors bâtissons une société de la rencontre.
Rassemblons nous.
Regardons autour de nous, certains se lèvent
déjà
Militons, manifestons dans des associations
de toutes sortes, celles qui ont besoin de bras.
Parce que nous voulons tout, et tout de
suite.
Parce que nos dix mille ans de civilisation
doivent nous apprendre que nous n'en sommes qu'à la maternité
du progrès, et que le monde entier est encore a inventer.
Alors où courrons-nous jeunes gens ? Nous
courrons vers la justice, je l'espère, nous refusons l'épouvantable,
j'en suis sûr, et nous nous engageons, avec insolence,
en vivant haut et fort vos désirs, nos révoltes. Avec
nous, il y aura des révolutions, soyons prêts à les utiliser
positivement.
Puissance de nous.
Continuer, sest sabdiquer.
Se révolter, sest saffirmer.
Est-ce une divine folie que de contester ?
"L'Idéaliste" montrera que lidée
naît chaque seconde.
Notre jeunesse est en cela un atout fondamental : nous
vivons une double révolution, celle de notre propre
personne, et celle de la société des hommes.
Leur entrelacement nous apporte la chance d'être créateur.
Entrelacer la renaissance des esprits à celle des sociétés.
Lhomme comme fin et comme commencement.
Albert Jacquard, Luc Ferry, et Théodore Monod, trio
virtuose de lidéalisme français contemporain,
sont sans nul doute les derniers chercheurs dabsolu
capables de nous proposer une étoile lointaine, édénique,
vers laquelle guider nos choix quotidiens, de théoriser
de nouvelles systématiques sociales, de nouveaux horizons
où lespoir est permis.
Les insoumis sont des révélateurs de mondes
nouveaux, leur démarche est de remplacer le "il
faut" de la Loi par "le pourquoi pas"
du possible. Il est urgent de les écouter.
Car eux les paradis, ils les multiplient
Je suis, je vis. Jattaque, je construis.
Je pense donc je contredis.