![]() |
Myriam Labidi, Mars 2000
les discriminations raciales au quotidien : une réalité à dénoncer
Moi,
Mohammed, 18 ans, adolescent ou jeune adulte, au choix des psychologues
et sociologues. Lycéen de la génération Net, Mac Do et HIV, de la mondialisation
des modes de consommation, de la maladie et de "guerre des banlieues",
21 heures, centre ville, je me ballade, sportswear, cheveux quasi rasés
sous ma casquette " Nike ". Une troupe de flics surgit de nulle part.
De toute façon, comme les trains, un flic en cache un autre ! Contrôle
d'identité, quoi de plus banal pour un jeune nord-africain. Enlever mes
Adidas, pourquoi pas ? En plein centre ville, au vu et au su de tous…
Petite humiliation au quotidien à prendre avec calme et avec le sourire.
Elle me rappelle que je ne suis q'un citoyen français d'origine étrangère,
issu de la main d'œuvre d'après guerre. Eduqué à l'Ecole républicaine,
celle de la patrie des Droits de l'Homme, on m'y a appris la fameuse "
liberté, égalité, fraternité ". La liberté d'aller et de venir ne constitue-t-elle
pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République, une
composition de la sacro-sainte liberté individuelle ? J'oubliais, le contrôle
d'identité a été introduit au moment de la guerre d'Algérie.
Depuis la loi du 10 août 1993, qui dispose que " l'identité de toute personne pouvait être contrôlée quel que soit son comportement, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens ". Cette même loi a légalisé les opérations coup de poing, soit les contrôles, à des fins de police judiciaire dans des lieux, et pour des périodes de temps déterminées par le procureur de la République. On a vu par ailleurs l'extension des contrôles destinés aux étrangers, trois mois après l'attentat terroriste commis à Paris le 26 juin 1995. Le ministère de l'Intérieur a affirmé que trois millions de personnes avaient fait l'objet d'un contrôle depuis la mise en application du plan Vigipirate du 7 septembre 1995. La Commission consultative des Droits de l'Homme s'est donc inquiétée de l'usage massif et discriminatoire de ces contrôles. Une étude menée par R. Lévy étudiant les pratiques judiciaires et policières dans la région parisienne au début des années 80 a conclu à l'existence d'une discrimination catégorielle. A situation égale du point de vue de l'infraction et de la représentation sociale, la situation des Européens était toujours plus favorables que celle des Maghrébins (Lévy, Du suspect au coupable le travail de la police judiciaire, Genève, Paris : Médecine + Hygiène, Méridiens Klincksieck, 1987). Une étude de l'INED de 1992 sur l'insertion sociale eut pour résultat que la majorité des personnes interrogées concluaient à l'existence d'une discrimination concernant le traitement infligé par la police et la justice. 70 % des Algériens entre 20 et 29 ans s'estimaient maltraités par la police, et 43 % par la justice, en 1992. Le rapport du Haut conseil à l'Intégration pour l'année 1998 a permis d'établir que les Français d'origine étrangère sont victimes de discriminations dans des conditions assez comparables à celles auxquelles sont confrontés les étrangers. Ma situation est qualifiée de symbolique de la compétition accrue sur le marché du travail par le Haut Conseil. Je cumule de fait les handicaps, pas de réseaux notamment familial pour m'insérer dans le marché du travail, et la défiance que peuvent inspirer aux employeurs mon nom et mon faciès. Ainsi, le taux de chômage des 22-29 ans relevaient de 42 % pour les hommes ayant deux parents algériens contre 11 % pour les Français de souche en 1996. Bachoter dans le bruit et dans l'odeur pour en arriver à une intégration-désintégration. Pourquoi tant de tracas lorsque l'on n'est qu'un
triste sauvageon, M. Chevènement, me faut-il désespérer ?
Myriam Labidi
|